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habileté et de quelque décision, que les choses ne tourneront pas pour lui comme elles l’ont fait autrefois.

Mais qu’attend-il ? Il y a pour lui une grande imprudence dans ces délais où l’on peut voir de l’hésitation. Le jour où il aura supprimé l’insurrection albanaise, les trois quarts de la besogne seront faits, d’autant plus qu’il pourra se servir de ses forces pour un nouvel objet. Nous parlons de celui qui résulte des bandes macédoniennes, et encore bien plus bulgares que macédoniennes, dont nous avons déjà indiqué la manière de procéder. Elles sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus audacieuses. Toutefois, le soulèvement général qu’on avait annoncé pour les fêtes de Pâques n’a pas eu lieu, sans que nous soyons à même de dire si l’on n’a pas réussi à le provoquer, ou si l’on y a renoncé. Sur un autre point, il est assez malaisé de comprendre que le prince Ferdinand de Bulgarie ait justement choisi le moment actuel pour quitter Sofia et se rendre en France, à Menton. Un prince aussi politique ne fait rien sans motif, et, comme on ne saurait croire qu’il ait jugé la situation assez calme, tranquille et assurée pour lui permettre de se donner des vacances agréables, il faut bien admettre l’hypothèse contraire, à savoir qu’il a voulu prendre le minimum de responsabilité dans les événemens qu’il prévoit. Et cela n’est pas rassurant. L’insurrection en Albanie, la révolution en Macédoine, un roi mobile en Serbie, un prince absent en Bulgarie, tels sont les traits principaux de la situation présente. Tout cela changerait vite, si le Sultan frappait un coup décisif en Albanie, et s’il se montrait prêt à employer ensuite ses forces au maintien ou au rétablissement de l’ordre en Macédoine. Mais il se décide bien lentement à accomplir la première partie de sa tâche, et ces retards n’en rendront pas la seconde plus facile


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.