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d’immenses services à la civilisation universelle, et avec lequel, si nous avons parfois des intérêts divergens, nous avons un bien plus grand nombre d’intérêts communs. Sans oublier le prince aimable que Paris a connu, c’est le roi d’Angleterre qu’il fêtera au nom de la France dans quelques jours, ou plutôt dans quelques heures. L’accueil que nous lui ferons sera une marque de sympathie pour nos voisins. Nous avons eu des dissentimens avec eux et nous en aurons vraisemblablement encore ; cela ne nous empêche pas de leur rendre justice comme ils nous rendent justice eux-mêmes, quand nous sommes de sang-froid les uns et les autres et qu’aucun nuage n’obscurcit notre jugement. Au surplus, depuis qu’il est monté sur le trône, le roi Édouard VII n’a laissé aucun de ces nuages se former entre nous. Une maladie grave, qui a mis un moment ses jours en péril, a montré la sympathie dont il était entouré en Angleterre et ailleurs : cette sympathie a été très sincère en France, où elle va se manifester de nouveau sous une autre forme. Le roi vient à nous sans être accompagné d’aucun de ses ministres, comme pour marquer ce qu’il y a de tout personnel dans la visite qu’il nous fait, et c’est bien ainsi que nous le comprenons. Évidemment, il ne sera pas reçu à Paris comme l’a été l’empereur Nicolas ; ces choses-là ne se voient qu’une fois ; mais il le sera comme doit l’être le souverain d’un pays ami. C’est à peine si quelques voix ont fait entendre à ce sujet une note discordante ; elles ont été aussitôt étouffées sous celle de M. Paul Déroulède, qui a fait acte de bon sens et de patriotisme éclairé en désavouant d’anciens amis qu’il ne voulait pas suivre dans la voie où ils s’engageaient. Il n’y a aujourd’hui qu’un sentiment à Paris et en France. Le roi Edouard est notre hôte : il trouvera à Paris un accueil digne de la grande nation qu’il représente et de celle qui le reçoit.


Que dire des affaires d’Orient ? Rien de nouveau. La situation est stationnaire dans les Balkans ; elle y est d’ailleurs très mauvaise. Nous voudrions avoir à y constater depuis quinze jours, ou même depuis un mois, la plus légère amélioration ; il serait difficile d’en découvrir la moindre trace. Ne parlons pas pour le moment des réformes ; elles seront faites sans doute, avec le temps, et nous souhaitons qu’elles soient alors jugées suffisantes. Mais, en attendant, un double danger se manifeste, celui de la révolte albanaise, et celui des bandes bulgaro-macédoniennes. Il serait difficile de dire lequel des deux est actuellement le plus pressant.