Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette situation se prolongera, il y aura en France des congréganistes malgré eux, que rien ne lavera de la tache originelle, auxquels aucune main ne pourra arracher la tunique de Nessus. On verra cela dans un pays qui ne reconnaît aucun vœu perpétuel et se dit orgueilleusement le pays de liberté par excellence. Il faut pourtant, comme l’a écrit à M. Combes Mgr Turinaz, évêque de Nancy, que les anciens congréganistes vivent ; mais peut-être M. Combes répondra-t-il, à la manière d’un ministre de l’ancien régime, qu’il n’en voit pas la nécessité. Au fait, il a répondu à Mgr Turinaz, et celui-ci n’a pas manqué de lui répliquer. On a vu, au grand étonnement du public, une polémique extrêmement vive s’élever entre un ministre et un évêque qui semblaient s’excommunier réciproquement. — Rougissez, monsieur l’évêque, de ce que vous faites ! écrivait le ministre.) — Rougissez vous-même, monsieur le ministre ! répondait le prélat. — Mais il faut avouer que, dans cette lutte épistolaire, peut-être sans précédens, l’avantage de la logique n’a pas été du côté de M. le président du Conseil. Il s’en consolera sans doute en employant d’autres argumens. Déjà il a supprimé le traitement de Mgr Turinaz ; s’en tiendra-t-il là ?

On le ferait exprès, qu’on ne trouverait pas de meilleurs ni de plus sûrs moyens d’aggraver et d’aigrir les divisions du pays. M. le Président de la République parle d’apaisement, on lui répond par des actes de guerre civile. « Les frères, dit-il, ne doivent jamais maudire leurs frères… On ne fera jamais un appel à l’union sans qu’il soit entendu, etc., etc. » L’Algérie est-elle donc si loin de la France, et y a-t-il si longtemps que M. Loubet a quitté cette dernière, qu’il ne sache plus ce qu’on y fait ? On le lui a rappelé sans doute, puisque, reprenant à Constantine le thème qu’il avait développé à Oran, il en a quelque peu modifié les termes et le sens : il n’en reste pas moins un désaccord et comme une désharmonie sensibles entre ses propos algériens et l’œuvre de persécution qui se poursuit autour de nous. S’il a tout oublié, il sera bien étonné à son retour.


Mieux vaut jeter les yeux sur un autre côté de notre situation. Le voyage de M. Loubet à Alger a été l’objet de manifestations internationales dont nous devons être profondément satisfaits et reconnaissans. La Russie, l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, ont envoyé dans les eaux d’Alger des détachemens de leurs escadres pour saluer M. le Président de la République. La première, que des liens plus intimes rattachent à nous, y a même envoyé une division navale tout entière. Enfin, les États-Unis, qui ont une escadre dans la Médi-