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On voit partout gendarmes et commissaires de police se mettre en mouvement pour apporter des sommations à des gens qui ne sont pas de leur clientèle ordinaire, car ce sont les plus honnêtes gens de France. Nous ne parlons pas seulement des congréganistes, mais des propriétaires qui leur ont donné l’hospitalité. L’arbitraire administratif ne peut plus trancher toutes ces questions depuis la loi du 4 décembre dernier. Que de procès en perspective ! En attendant, des scènes de violence se produisent. Les populations prennent fait et cause pour les congrégations qu’on dissout. Le désordre est partout. Et nous ne sommes qu’au commencement !

Néanmoins M. Combes a jugé qu’en tout cela il n’y avait pas encore assez de causes de conflits et de divisions : aussi a-t-il adressé, de sa plume la plus impérieuse, deux circulaires aux évêques pour leur enjoindre : 1° de procéder à la fermeture immédiate de toutes les églises ou chapelles qui n’ont pas été formellement autorisées ; 2° d’interdire aux anciens congréganistes de prêcher dans les cathédrales ou les églises paroissiales. Ces deux circulaires ont provoqué, de la part des évêques, des protestations à peu près unanimes, pour le double motif que leur rôle est d’ouvrir les chapelles et non pas de les fermer, et qu’ils sont les seuls juges, dans l’administration du culte, de savoir à qui ils doivent confier le soin de la prédication. Qu’il y ait beaucoup de chapelles, et qu’on puisse en fermer quelques-unes sans grand inconvénient, soit ; une entente aurait pu avoir lieu à ce sujet entre les autorités ecclésiastiques et le gouvernement, si celui-ci avait été animé d’intentions moins agressives ; mais l’injonction immédiate et brutale de M. Combes, s’appliquant sans exception à toutes les églises et chapelles non autorisées, est inadmissible. Plusieurs de ces chapelles sont indispensables à l’exercice du culte dans des endroits où l’accroissement de la population a rendu les églises paroissiales insuffisantes. On a, de plus, fait remarquer à M. Combes la partialité à rebours avec laquelle il avait condamné tous les établissemens catholiques, sans appliquer la même règle aux établissemens israélites ou protestans. Pourquoi ne s’occuper que des premiers et oublier les seconds ? Ce n’est pas que nous demandions qu’on traite ceux-ci comme ceux-là ; nous voudrions, au contraire, qu’on traitât ceux-là comme ceux-ci. M. Combes ne se refuse pas, du moins en principe, à examiner s’il conviendra de laisser rouvrir ultérieurement quelques-unes des chapelles qui auront été fermées : ne serait-il pas plus sage de procéder inversement et de fermer seulement celles qui, d’accord avec l’autorité ecclésiastique, n’auraient pas été jugées né-