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chargé d’exercer en Chine ces délicates fonctions, il condamna de nouveau les pratiques que l’empereur avait séparées du domaine religieux, et envoya en Chine, pour signifier cette sentence, un légat, le cardinal Tournon.

Celui-ci, à son tour, condamna les pratiques idolâtriques tolérées par les Jésuites. Kang Hi, offensé, refusa de lui donner audience, protesta contre l’empiétement commis sur son autorité impériale, et exila tous les missionnaires qui déclaraient s’associer à la sentence du légat.

Puis, désespérant peut-être du succès de l’entreprise qu’il avait favorisée, il rappela à Pékin les Jésuites qu’il avait chargés de dresser une carte générale de l’Empire, sous la direction des R. P. Régis, Bouvet et Gertoux. À ce moment, dans les seules provinces du Kouang-Si et du Kouang-Tong, on comptait plus de cent églises et de cent mille convertis ! La persécution commença aussitôt contre les prédicateurs d’une doctrine qui semait la désunion et les troubles, même parmi ceux qui l’enseignaient, et n’a cessé qu’en 1823, sous le règne de Tao-Kouang !

Devant le grand tertre, et à quelques pas de la tombe de Matteo Ricci, s’ouvrait la sépulture, également violée, des victimes des massacres de 1860 et de l’expédition glorieuse de Cousin-Montauban. Elle évoquait un autre chapitre, l’épopée des missions catholiques en Chine depuis quatre-vingts ans, avec ses alternatives de massacres, d’interventions européennes et de traités réitérés, aboutissant à la crise dernière, qui sera peut-être le point de départ d’un cycle nouveau de l’histoire du monde.

Et, au-dessus de tous ces marbres renversés ou brisés, l’imagination plaçait la pierre fameuse de Si-ngan-fou, preuve de la première prédication chrétienne faite en Chine, à partir du vie siècle, par des missionnaires de la confession de Nestorius, qui y vinrent enseigner l’union hypostatique, en Jésus-Christ, de deux personnes et de deux natures, soutenue par le patriarche de Théodose II (428 après J. -C).

L’inscription de cette table célèbre, œuvre du prêtre King-Sing, est datée de 781 de notre ère. Elle définit l’essence de la divinité, l’excellence de l’homme primitif, les ruses de Satan, sa chute et l’idolâtrie. Elle expose la nécessité de la Rédemption et la naissance du Christ dans le sein d’une vierge, l’adoration des mages, la mort vaincue, le monde sauvé, la civilisation régénérée par la miséricorde, l’égalité des hommes, la protection du faible et du pauvre, le repos du septième jour, l’utilité de l’enseignement religieux et de la mission du prêtre, la