Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tolérance de Ricci et des Jésuites pour les usages qui sont le fondement de toute la vie civile et politique de Chine. Et, une première fois, la Papauté, par la bouche d’Innocent X, avait donné raison aux enfans de Saint-Dominique et interdit aux chrétiens chinois les cultes de Confucius et des Ancêtres.

Mais, en 1656, un autre pape, Alexandre VII, mieux informé, avait prononcé que, dans certains cas, ces usages ne sont que des actes de la vie civile, conformément à la doctrine de Ricci.

Malheureusement, au lieu de concilier par un compromis ces deux décisions en apparence contradictoires, les ordres rivaux se brouillèrent définitivement, et cela au moment même où l’habileté du P. Verbiest venait d’obtenir du ministre des Rites un édit de tolérance, où il était expressément déclaré :

« On permet à tout le monde d’aller dans les temples des Lamas, de Boudha et de Fô, et l’on défend d’aller dans les églises des Européens, qui ne font rien de contraire aux lois. Cela ne paraît pas raisonnable.

« On n’a jamais accusé les Européens qui sont dans les provinces (les missionnaires) d’avoir fait aucun mal ni d’avoir commis aucun désordre. La doctrine qu’ils enseignent n’est pas mauvaise, ni capable de séduire le peuple et de causer des troubles.

« Il faut donc laisser toutes les églises de l’empire dans l’état où elles étaient auparavant et permettre à tout le monde d’aller adorer Dieu, sans inquiéter dorénavant personne. »

Autre malheureuse coïncidence. Le Chou-King, un des livres canoniques chinois, vieux déjà de trois mille ans à cette date, prescrit de consulter Tien et Chang-Ti sur la valeur morale d’un acte avant de l’accomplir. Les Chinois, qui manquent totalement de l’esprit géométrique auquel nous devons notre besoin de précision dans les idées et dans leur expression par le langage, n’avaient pu jusqu’alors tomber d’accord sur le sens de ces deux termes. Les catholiques s’étaient mêlés aux débats et n’avaient pas contribué à éclaircir si Tien signifie « le Ciel, astronomique ou religieux, » ou « l’Être suprême et immatériel qui régit le monde, » et si, par suite, il était bien certain que Chang-Ti désigne « le Seigneur, tête de toute la hiérarchie terrestre et divine. »

Pour terminer toute dispute théologique, Kang-Hi avait prononcé souverainement que Tien signifie le vrai Dieu, celui des chrétiens, et que les cultes de Confucius et des Ancêtres sont, avant tout, des actes politiques. Mais le Saint-Siège venait de créer les vicariats apostoliques pour les partes infidelium. Conformément à l’avis de Mgr Maigrot