Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En réalité, cette contrée n’est guère désirable pour une nation européenne. Elle se compose en effet de deux parties bien distinctes : la Cyrénaïque et la province de Tripoli, séparées l’une de l’autre par la vaste contrée à peu près déserte qui borde le golfe de la grande Syrte. Malgré sa fertilité si célèbre dans l’antiquité, la Cyrénaïque, qui ne se rattache étroitement ni à l’Egypte, ni à la Tripolitaine, n’a pour ainsi dire pas de commerce. Quant à la Tripolitaine proprement dite, le seul point important du littoral est Tripoli, et on vient de voir quelle est sa valeur réelle. En l’occupant, la France perdrait une bonne frontière pour se créer des difficultés très sérieuses.

En résumé, la France, pour assurer d’une manière définitive la sécurité de son empire africain, doit pousser le plus rapidement possible sa prise de possession du Touat, l’occupation du Zegdou et des abords du Tafilet à l’Ouest, en même temps qu’elle entreprendra vigoureusement à l’Est une voie ferrée de pénétration et la création de postes permanens en face de Ghat et de Ghadamès, pour protéger cette partie de notre frontière. Ainsi établie, elle pourra attendre sans crainte les événemens qui semblent se préparer dans les États encore indépendans du Nord de l’Afrique. Est-ce trop présumer de nous que de croire à la possibilité d’une entente entre les différens ministres que ces questions touchent directement ? Pouvons-nous, d’autre part, espérer que l’on épargnera à des contrées récemment occupées notre formalisme et nos traditions administratives, pour n’exiger des populations que deux choses, l’impôt et la sécurité, mais les exiger fermement ? L’avenir de notre colonisation et la liaison de nos possessions du Nord, du Centre et de l’Ouest africain sont à ce prix.