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On a cherché à créer sur la côte des villages de pêcheurs français, pour combattre l’influence des Napolitains qui y sont installés. L’expérience faite en 1892 a donné des résultats déplorables. Ils étaient cependant assez faciles à prévoir, car, dès 1848, des pêcheurs bretons avaient été déjà appelés en Algérie ; et l’insuccès avait été le même ; la Méditerranée, avec sa lame courte, son excessive variabilité, ses brusques sautes de vent, désoriente le Breton ou le Basque habitués à l’Océan. Si une colonisation de pêcheurs doit réussir en Algérie, elle ne devra être recrutée que parmi les Corses, les Languedociens ou les Provençaux.

À côté des difficultés que rencontre la colonisation, il faut placer celles qu’elle se crée elle-même. Le colon se considère trop souvent comme un être, privilégié, pour qui la colonie doit faire tous les sacrifices ; très entiché de sa liberté et de ses droits, il entend parfois exercer sur les indigènes de son voisinage une sorte d’autorité qu’il croit tenir de sa qualité d’Européen ; c’est là une dangereuse disposition d’esprit ; pour peu qu’il manque de ménagemens avec ses nouveaux voisins, il risque de s’en faire promptement des ennemis, et, dès lors, il ne manquera pas de saisir l’autorité administrative de chaque incident survenu entre les indigènes et lui, et de la rendre responsable de tous leurs méfaits. L’administrateur, dont ces plaintes réitérées troublent la quiétude, finit par s’en lasser, considère le colon comme un fâcheux et ne s’occupe plus de ses réclamations ; la presse est alors saisie des faits, les agrémente d’injures contre les personnes ; l’affaire s’aggrave et finit par amener le déplacement de quelques fonctionnaires. Il est bien certain qu’en pareil cas, tout le monde a tort : le colon qui joue au pacha, l’indigène qui le vole et lui rendra la vie intenable, et l’administrateur qui se montre indifférent d’abord, parfois hostile ensuite ; mais personne ne veut se l’avouer et là est le mal. Quels que soient l’infériorité morale des indigènes et leur goût naturel pour les déprédations, bien des propriétaires ou colons qui les traitent équitablement reconnaissent qu’ils n’ont point trop à souffrir de leur voisinage ; ils ne deviennent dangereux que quand l’Européen s’est installé sur une terre dont ils ont été nouvellement dépossédés ou lorsqu’ils sont excités par quelques

    quences de la résolution prise par le Parlement de refuser toute création de postes de desservant, alors que, chaque année, la population chrétienne augmente et qu’il se crée de nouveaux centres ruraux.