Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

routes, les ports les mieux aménagés sont condamnés à la ruine. La colonie sera-t-elle toujours condamnée au système qui remet l’exécution des travaux publics à un corps qui, malgré ses connaissances techniques et le mérite individuel de la plupart de ses membres, applique trop souvent des formules uniformes aux pays les plus divers ? Dès qu’ils recouvrent leur indépendance et ne sont plus enserrés dans les méthodes métropolitaines, si malheureusement introduites en Algérie, nos ingénieurs retrouvent leurs moyens et se montrent dignes d’eux-mêmes. Ce n’est donc point à eux qu’il faut s’en prendre de la situation des travaux en Algérie, mais au gouvernement général et au Parlement qui ont eu la charge de proposer et d’approuver un plan rationnel et un ordre d’exécution logique de l’ensemble des travaux.

Dans son rapport sur la situation de l’Algérie en 1893, M. Burdeau constatait qu’en onze ans, de 1880 à 1891, il n’avait été construit en ce pays que 369 kilomètres de routes, soit un peu moins de 34 kilomètres par an. En regard de ce chiffre vraiment dérisoire, il convient de mettre les travaux effectués en Tunisie au moyen des prestations ; pendant la seule année 1895, 250 kilomètres de routes nationales ont été ouverts[1]. Ce sont cependant, en Tunisie et en Algérie, les mêmes ingénieurs qui construisent les routes, mais les moyens dont ils disposent sont bien différens : car il résulte des chiffres précédens que l’application du système tunisien en Algérie, sur un territoire trois fois plus étendu, aurait permis de construire en un an 750 kilomètres au lieu de 34, soit environ 22 fois plus. On voit l’erreur profonde qui consiste à avoir remis aux communes algériennes, avant l’achèvement du réseau des routes, la libre disposition des prestations qu’elles gaspillent trop souvent. Rien ne s’opposerait à ce que, dans les communes mixtes, comprenant la plus grande partie du territoire, le gouvernement général dessaisît les administrateurs du droit d’employer les prestations à leur guise, et à ce qu’il leur imposât un plan combiné de travaux publics. Quant aux communes de plein exercice, le gouvernement dispose des secours, des subventions et de mille autres moyens qui les mettent à la merci, s’il juge nécessaire de les contraindre.

Il ne faut pas se dissimuler les difficultés particulières que

  1. Rapport du Résident général au Président de la République.