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meurtrier ; mais, forcé de compléter à la Havane la cargaison des navires avec les marchandises locales, il dut y stationner jusqu’au 23 juillet avant de pouvoir reprendre la mer pour ramener en Europe les cinquante-sept voiles réunies sous ses ordres[1].


VII

Le chargement des galions était évalué à près de 50 millions d’écus, dont un tiers devait revenir à des marchands anglais ou hollandais. Aussi, en prévision d’une guerre probable avec la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies, Louis XIV ainsi que son petit-fils projetaient-ils depuis longtemps de confisquer, au profit du trésor espagnol, les effets appartenant aux sujets de ces deux puissances. Les deux souverains méditaient également de saisir momentanément et moyennant un intérêt de 6 pour 100, toutes les autres marchandises, dont la restitution eût été faite à leurs propriétaires, la paix une fois conclue. Pour mener à bien une opération aussi délicate, il était nécessaire, après avoir évité en mer à la flotte du Mexique toute fâcheuse rencontre, de cacher son arrivée aux négocians espagnols le plus longtemps possible et, pour ce double motif, de ne point la conduire à Cadix, lieu habituel de son déchargement.

D’un commun accord, les cours de Versailles et de Madrid avaient choisi, à l’extrémité opposée de la péninsule ibérique, c’est-à-dire au fond du golfe de Gascogne, le petit port de Passages, comme remplissant les conditions les plus favorables à l’accomplissement secret de leurs desseins. Les marchandises, une fois débarquées des navires, devaient y trouver à proximité, dans la forteresse de Fontarabie, un abri d’autant plus inviolable que la garnison de cette place, précisément située sur la frontière, pouvait être aisément renforcée par un détachement de troupes françaises stationnées à Bayonne. Nous verrons bientôt que la désignation de ce port fut faite sans que deux points des plus essentiels eussent été mis en ligne de compte : l’extrême difficulté de son accès et l’insuffisance de son développement.

  1. Lorsque Château-Renault quitta la Havane, son escadre se composait de 18 vaisseaux, 6 frégates, 2 avisos et 1 flûte, escortant 27 navires dont plusieurs, bien que ne faisant pas partie de la flotte de Neuve-Espagne, s’étaient joints à ce convoi. — Archives de la Marine, — Mercure de France, novembre 1702.