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habitans de la Martinique, dont l’exacte notion du pays rendait l’avis prépondérant.

A l’unanimité, le conseil se prononça contre l’entreprise. «… Il est évident, lisons-nous dans le procès-verbal de la séance, que, si l’on tentait d’aller à la Barbade et d’entreprendre la descente pour s’en rendre maître, ce dont le succès est incertain, tous les vaisseaux de l’escadre se trouveraient absolument manquer de vivres et n’en auraient point pour leur retour en France, soit que l’affaire réussisse, soit qu’elle ne réussisse pas. Il est constant aussi que ni Bembow ni Whetstone ne sont point à la Barbade et qu’ils ont passé sous le vent. Ainsi l’attention doit être toujours à savoir et à examiner ce qui se passe sous le vent, où ils sont, de quoi il n’y a point encore de nouvelles.

« Par ces raisons il a été délibéré, arrêté et convenu unanimement, qu’il n’est pas praticable de tenter l’entreprise de la Barbade et qu’il ne faut point y songer présentement, les vaisseaux de l’escadre étant très bien disposés pour les combats de mer, mais n’étant ni préparés, ni pourvus pour des entreprises de terre. »

Les mêmes raisons qui justifiaient l’abandon du projet sur la Barbade s’opposaient à toute tentative contre la Jamaïque. Restait la possibilité d’une action dirigée contre les petites îles, du Vent, anglaises, action infiniment plus aisée et à laquelle Château-Renault méditait d’employer son escadre, quand, à sa grande surprise, il apprit que la flotte des galions se trouvait encore à la Vera-Cruz et que Coëtlogon, ayant épuisé ses vivres à l’attendre, s’était vu forcé de repartir sans elle pour l’Europe.


III

En effet, maintenu dans l’inaction par la contradiction des ordres que tour à tour lui adressaient le vice-roi du Mexique et Coëtlogon, celui-ci lui prescrivant de venir le joindre à la Havane, celui-là de ne point quitter la Vera-Cruz sans une escorte de bâtimens français, don Manuel de Velasco, général de la flotte de Neuve-Espagne, avait remis son départ de lune en lune, jusqu’au jour où, la saison devenant trop avancée, il dut prendre le parti d’hiverner.