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L’archevêque du Cap n’en procéda pas moins au jugement, en grande solennité, assisté de deux de ses suffragans, et, en décembre 1863, il prononça la déposition de l’évêque du Natal ; quatre mois étaient donnés à ce dernier pour se rétracter. L’archevêque ajoutait, peu après, avec une juste méfiance des cours de justice, qu’il n’admettait contre sa sentence aucun autre appel qu’à l’archevêque de Canterbury. « Si les cours civiles interviennent, écrivait-il à un ami, et nous renvoient Colenso, je prononcerai l’excommunication, et, si mes frères veulent se joindre à moi, je consacrerai un évêque orthodoxe. Je sais que cela provoquera la vengeance du pouvoir civil, mais je suis préparé à tout braver. » Quelques mois plus tard, Colenso ne s’étant pas rétracté, l’archevêque se rendit au Natal, y publia un mandement des plus énergiques et prit en main le gouvernement du diocèse qu’il considérait comme vacant. Colenso, qui était toujours en Angleterre, répondit par une longue brochure et en appela à la Reine en son Conseil, provoquant ainsi cette intervention des cours civiles que redoutait Gray et contre laquelle il avait protesté par avance. Cette affaire aboutissait donc au Conseil privé, comme celle des Essays and Reviews, marquant une fois de plus cette subordination de l’Église à l’État qui était la tare ineffaçable de l’anglicanisme.


VII

Le Conseil privé ne s’était pas pressé de statuer sur l’appel de Williams et de Wilson, les deux Essayists condamnés par la Cour des Arches. Aux quatre juges laïques, on avait, pour cette affaire, adjoint comme assesseurs l’archevêque de Canterbury, celui d’York, et Tait, l’évêque de Londres. L’affaire fut plaidée en juin 1863, mais huit mois s’écoulèrent sans que le jugement fût rendu. L’angoisse de cette attente pesait sur le monde religieux. Les bruits qui circulaient faisaient prévoir une décision favorable aux condamnés. Pusey, fort troublé, échangeait ses inquiétudes avec Keble, et essayait encore d’agir sur Tait ; il lui adressait lettres sur lettres, plus instantes les unes que les autres. « J’ai peur des légistes, lui écrivait-il ;… c’est la plus grande crise qu’ait jamais traversée l’Église d’Angleterre[1]. »

  1. Life of Tait, t. I, p. 314 ; Life of Pusey, t. IV, p. 46.