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pas assez théologien ; il blâmait son érastianisme et lui reprochait d’être a bigot for toleration[1]. C’est qu’au fond il était, non seulement plus religieux, plus pieux, mais aussi plus croyant, plus dogmatique que ne l’étaient d’ordinaire les hommes du Broad church. Seulement, dans sa crainte de diminuer la compréhensivité de son Eglise, de tomber dans le sectarianisme qu’il abhorrait, il évitait les formules précises et ne laissait, à ceux qui le lisaient et cherchaient sa pensée, qu’une impression incertaine et nuageuse. Sa préoccupation constante était de ne juger et de n’excommunier personne, disposé à voir, dans tout homme qui obéissait à la voix de sa conscience, la présence et le gouvernement personnel du Christ. L’idée ne lui venait pas que ce qu’il croyait lui-même être la vérité dût être suivi et accepté par tous : c’était à chacun de chercher cette vérité par sa propre lumière[2].

Maurice eut plusieurs disciples, qui, du reste, suivant le principe de l’école, pensaient chacun à sa façon et souvent différemment du maître. L’un des plus considérés fut Anthony Hort[3]. Né en 1828, d’une famille evangelical, il était devenu arnoldien à Rugby et avait eu des succès universitaires à Cambridge. Entré dans les ordres, il réussit peu dans le ministère paroissial ; bien que consciencieux et dévoué, il s’y sentait timide, gêné, sans grande action. Sa nature sensitive, réservée, était impropre aux besognes extérieures. Il se trouvera mieux à sa place quand, vers la fin de sa vie, il occupera diverses chaires importantes à l’Université de Cambridge. Filialement attaché à Maurice, dont la vertu l’avait conquis et dont il recueillait pieusement tous les enseignemens, il marquait cependant lui-même qu’il n’admettait pas plusieurs de ses idées. Ses études portaient principalement sur l’exégèse, à laquelle Maurice était étranger. En d’autres points, il était moins avancé que son maître. Il refusa souvent de s’associer aux campagnes du Broad church, par exemple pour la sécularisation des Universités. Malgré sa vive affection pour Stanley, il désapprouvait ce qu’il appelait « sa politique d’Eglise » (Church policy). Quant à Jowett, il reconnaissait ses qualités ; « mais, hélas ! ajoutait-il, ses conclusions théologiques me semblent pur athéisme, quoique

  1. Life of Maurice, t. II. p. 601.
  2. Cf. passim, Life of Maurice, notamment t. II, p. 608.
  3. Cf. Life and Letters of F. J. Anthony Hort, par son fils, A. F. Hort, 2 vol.