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toute immixtion des ordres religieux dans la politique, et nous condamnons, énergiquement, toute tentative de leur part pour sortir de leur rôle, qui est un rôle d’enseignement et de charité ; mais nous n’admettons pas davantage que le législateur interdise ou paralyse leur action au dehors, soit directement en les supprimant, soit indirectement en leur enlevant les ressources indispensables et en leur rendant tout recrutement impossible[1]... » Anglais, Américains, Allemands, Italiens, Russes même, soutiennent, de leur argent et de leur influence, comme un précieux agent d’expansion morale ou matérielle, leurs missionnaires d’Orient ou d’Extrême-Orient. En ce temps de compétition universelle, la France, qui restait, à cet égard, privilégiée entre les nations, doit-elle désarmer ceux qui luttent au loin pour elle ?... « Nous savons, ajoutaient M. Aug. Sabatier et ses amis, que le projet de loi en discussion épargne les congrégations reconnues. Mais il ne nous est pas permis d’oublier que les congrégations non reconnues, aujourd’hui menacées de dissolution, sont souvent de celles qui nous rendent au dehors les services les plus éclatans. Nous joignons à cette lettre une liste incomplète de leurs établissemens à l’étranger... La chute de pareils établissemens frapperait au cœur l’influence française. » Un tel langage honore grandement les hommes de science que l’amour de la vérité et l’amour de la France élevaient ainsi au-dessus des considérations de partis et des préjugés confessionnels ; mais, en leur rendant hommage, nous devons constater qu’ils n’ont pas été les seuls.

A quelque parti ou a quelque doctrine qu’ils se rattachent, les Français que passionne l’expansion de notre langue à l’étranger ont tous reconnu les services de nos congrégations. Nous avons une association nationale qui a pour but unique la défense ou la propagation de notre langue française dans nos colonies et à l’étranger. Cette association s’appelle « l’Alliance française, » un beau nom qui oblige, par ce temps de division entre concitoyens. C’est une œuvre d’union qui fait appel à tous les Français, sans distinction d’origine ou de parti, pour la défense de ce qui personnifie le mieux le génie.de la France, notre langue

  1. Je puis bien révéler, aujourd’hui, que cette phrase, où est si nettement reconnu le droit des religieux à la liberté d’enseignement et à la liberté de la charité, était de la plume même de M. Aug. Sabatier, l’éminent doyen de la Faculté de théologie protestante de Paris.