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que leurs unies en rapportent ? D’où vient ce charme qui les pénètre sans les amollir, le prestige qu’étendent sur toute leur vie ces fières et laborieuses années, dont le rayonnement fait briller leur regard jusque dans la vieillesse quand on les interroge sur leurs impressions de ce temps-là ?

Comme nous le faisions remarquer, l’époque des copies à outrance est depuis longtemps close. Elle répondait à des nécessités qui n’existent plus. Aussi le séjour des pensionnaires a-t-il pu sans inconvénient être réduit d’une année par le décret du 13 novembre 1803. Ce séjour est désormais de quatre ans pour les peintres, sculpteurs, musiciens, architectes et graveurs en taille-douce, de trois ans pour les graveurs en médailles et en pierres fines On ne considère d’ailleurs plus que cette période, déjà réduite, doive être consacrée tout entière à l’art romain. Les progrès matériels de l’existence, avec la plus grande rapidité des communications, rendent moins rare et moins précieux qu’au XVIIIe siècle l’avantage d’habiter momentanément l’incomparable capitale. On a donc étendu cet avantage en proportion des facilités modernes. Pendant leur seconde année, les pensionnaires peuvent voyager en Italie et en Sicile, et, à partir de la troisième année, dans l’Italie, la Sicile et la Grèce. Les musiciens, après une année seulement de Rome, doivent visiter l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, où ils demeurent au moins une année. En outre, dans des cas particuliers, et si la nature de leurs travaux l’exige, les pensionnaires peuvent être exceptionnellement envoyés dans des pays non prévus par le règlement.

Voilà donc dans quelle large mesure s’est étendu le privilège dont bénéficient les lauréats du Prix de Rome. En même temps se restreignaient les exigences de l’Etat quant à leur travail commandé. Allégement de la discipline officielle, extension du champ d’études, souci accru de la personnalité de l’artiste et de tout ce qui peut lui permettre de la développer : tels sont les gages donnés par l’Académie de France à l’évolution des idées. Ce sont là les signes certains d’une vitalité qui progresse et le meilleur démenti à certaines accusations de routine, à certaines critiques énoncées à la légère par ceux qui font un grief à cette admirable institution de son ancienneté, de sa stabilité, et, tranchons le mot, puisque aussi bien la politique s’en môle, de son origine monarchique.

Quoi de plus démocratique cependant qu’une fondation ainsi