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dans tous les domaines de l’activité sociale ? C’est une tendance anti-traditionnelle, un besoin de s’insurger contre l’œuvre des Ages qui nous précédèrent, une ardeur de détruire à laquelle, malheureusement, ne correspond pas une puissance égale de créer. Ce n’est point ici le lieu d’exposer la philosophie ni la genèse des grands courans de l’opinion publique. Mais en parlant d’une institution plus de deux fois séculaire, fondée sous l’ancien régime, fière à bon droit de son passé, fidèle à ses traditions, il convient d’établir ce qu’elle a fait, ce qu’elle se propose de faire encore ; quels services elle a rendus et peut rendre à l’art français ; quelles sont aussi les critiques auxquelles elle peut prêter, et ce qu’il faut peut-être retenir de ces critiques, pour en faire profiter l’avenir, ou, au contraire, ce qu’il en faut rabattre. La tradition elle-même est toujours en mouvement, et à aucune époque de l’histoire de la littérature ou de l’art, elle n’est tout le passé, mais seulement, de ce passé, ce qui continue de durer et de vivre.

Ce serait prendre par un côté secondaire, insuffisant et mesquin, le privilège attribué aux lauréats du concours de Rome, que de le considérer comme servant simplement à les mettre en contact direct avec certaines œuvres d’art dont ils ne connaîtraient sans cela que des copies. L’avantage serait discutable. Il n’a pas laissé que d’être discuté, et même, comme nous allons le voir, au début de la fondation, alors que cependant la difficulté des voyages, l’insuffisance des procédés de reproduction artistique, et tant d’autres causes, lui donnaient un caractère plus essentiel que de nos jours. C’est, en apparence, l’objet principal de l’institution, en même temps que le plus facile à attaquer : c’est donc contre lui que se formuleront les objections les plus spécieuses.

On n’en trouvera pas de meilleures que celles que présentait, en 1707, le directeur lui-même de l’Académie de France à Home, Poerson, qui, s’adressant au duc d’Antin, Surintendant des bâtimens du Roi, concluait à la suppression de la maison dont il était le chef. Le malheureux la voyait, cette maison, par suite des désastres qui accablaient Louis XIV vieilli, et son peuple, au dernier degré de l’humiliation et du dénuement. Le dédain de l’étranger entourait cette pauvre Académie, qui, limitée alors à quatre élèves, manquait d’argent pour les nourrir et leur fournir des modèles, du marbre, des couleurs, Crise lamentable, dont