Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes qui se flattaient, il y a quelques mois, de satisfaire les fureurs jacobines en leur jetant en pâture les Jésuites et les Assomptionistes.

Pour tous les esprits clairvoyans, pour tous ceux qui savent combien irrésistible devient la poussée des passions auxquelles un gouvernement n’a pas osé résister au début, les congrégations autorisées n’ont obtenu qu’un répit. Leur tour de se disperser, ou de prendre le chemin de l’exil, peut venir demain. Plus de sécurité pour elles et pour leurs œuvres du dedans ou du dehors. Alors même qu’elles ne seraient pas toutes prochainement supprimées, ne voient-elles pas déjà fermer la plupart de leurs établissemens, ceux même pour lesquels une demande d’autorisation ne semblait qu’une formalité ?

Admettons cependant que le flot des passions anti-cléricales va tout à coup tomber, que le gouvernement de la République aura la sagesse de s’arrêter à mi-chemin dans la voie de la proscription, quel sort auront, à l’étranger, les milliers d’établissemens français des congrégations qu’on s’apprête à supprimer ? Nous l’avons dit, il s’agit d’une bonne moitié de nos écoles françaises. Et, comme les ordres religieux se sont partagé le monde, comme ils ont chacun leurs provinces, leurs vicariats apostoliques, avec leur champ d’action, ce sont souvent de vastes pays, des régions entières où les missions et les écoles françaises risquent de s’écrouler, toutes à la fois. Ainsi en est-il de plusieurs provinces de la Chine ; ainsi de l’Arménie, où nos Pères et nos Sœurs offraient un généreux asile aux chrétiens victimes des massacres ; ainsi de la Mésopotamie, ainsi de la Nouvelle-Calédonie, ainsi des Nouvelles-Hébrides, ainsi du Dahomey et de la Côte d’Ivoire, ainsi de l’intérieur de l’Asie Mineure, ainsi enfin de nombreuses contrées des deux Amériques, c’est-à-dire de régions où la France a des intérêts considérables[1].

Prenons les pays où la lutte entre les influences rivales et entre les langues est la plus vive : la Turquie, la Syrie, la Palestine, l’Egypte ; si les congrégations autorisées et non autorisées y sont également représentées, les dernières y possèdent les œuvres

  1. Je puis, à cet égard, renvoyer le lecteur à un excellent et substantiel article du Journal des Débats, signé : « Un Protestant » (5 janvier 1903). L’auteur, dont la modestie a voulu garder l’anonyme, mais qui a rendu des services éminens à la diffusion de notre langue, donne, en cette étude, un tableau de la répartition sur le globe de nos congrégations autorisées et non autorisées.