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l’équité une répression vigoureuse indispensable à la sécurité[1].

Si des pénalités on passe à l’administration proprement dite de la justice criminelle, les réformes à opérer ne sont pas moins importantes. La première est de régler d’une manière précise les pouvoirs des autorités chargées de l’instruction ; on a dû, à raison de la distance et du petit nombre de magistrats, les répartir entre les juges de première instance, les juges de paix et les administra leurs.

En ce qui concerne les juges de paix, il faudrait régulariser leur action ; en fait, ils exercent les fonctions de juge d’instruction et la distance qui sépare souvent leur résidence du siège du tribunal en fait une obligation absolue ; cependant, soumis aux règles de la loi française, ils ont qualité, non pas pour procéder à une véritable instruction, mais pour se livrer à une enquête officieuse dont les résultats peuvent être compromis, si des mesures d’exécution immédiates deviennent nécessaires. C’est là un nouvel exemple de l’inconvénient qu’il y a à appliquer dans un pays une législation qui ne lui est pas appropriée.

Une législation trop récente pour qu’on puisse encore l’apprécier complètement a attribué la répression des délits indigènes d’ordre inférieur aux juges de paix. Cette mesure, théoriquement juste, ne donnera de bons résultats que là où l’accord le plus complet régnera entre l’administrateur et le magistrat ; car c’est le premier qui dispose de tous les moyens d’information sérieux et, s’il veut témoigner la moindre mauvaise volonté ou simplement un peu de force d’inertie, il peut rendre illusoire l’action répressive de la justice. Deux autres mesures accéléreraient sensiblement la marche des affaires criminelles indigènes. La suppression de l’envoi obligatoire du dossier à la chambre des mises en accusation allégerait sensiblement, au grand profit de l’administration de la justice, les occupations de la Cour d’Alger, qui aujourd’hui, bien qu’avec un personnel relativement moindre, juge autant d’affaires que cinq ou six Cours d’appel de moyenne importance. Le transfert aux tribunaux d’arrondissement, présidés pour la circonstance par un conseiller à la Cour, des affaires criminelles, permettrait à la fois de donner

  1. Suivant le proverbe arabe, le peuple ne demande que deux choses : « la pluie et la justice. » A défaut de la première, qui ne dépend pas de nous, nous devons assurer la seconde dans toute sa rigueur, car la pitié est un sentiment inconnu des indigènes, qui la taxent de faiblesse.