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luxe exagéré et des dimensions bien supérieures aux besoins des localités ; on sent trop que l’on s’est plus occupé de l’effet extérieur des monumens que de leur aménagement et des besoins à remplir. C’est un luxe admissible chez un parvenu dépensant sans compter, mais moins plausible pour une commune, qui n’a d’autres ressources que celles des contribuables. Pendant que le touriste admire ces monumens parfois vides et souvent impayés, certains travaux plus utiles : les canalisations d’eau, les égouts, l’entretien de la voirie restent en souffrance au grand détriment de l’hygiène publique[1].

Malgré toutes ces prodigalités, la situation de la plupart des communes d’Algérie est satisfaisante, et la grande majorité d’entre elles n’a pas recours à l’emprunt ; c’est là un fait d’une importance capitale et qui montre le parti qu’on pourrait tirer de leurs ressources financières, si elles étaient sagement administrées et si l’autorité préfectorale, mieux pénétrée de ses devoirs, plus ferme et plus vigilante, arrêtait certaines d’entre elles dans la voie des aventures où elles n’ont que trop de propension à se lancer. Au point de vue de l’administration communale, le rôle des préfectures est d’ailleurs à peu près nul ; les budgets n’y font l’objet d’aucun examen sérieux, les dépenses supplémentaires ou imprévues d’aucun contrôle ; il en est de même des recettes. On a vu des maires établir de leur autorité privée de véritables octrois sous forme de droit de place ou de stationnement, louer au profit de la commune et sans autorisation des propriétés domaniales ou les exploiter, des conseils municipaux légiférer sur la circulation monétaire ou modifier d’office la valeur locative des maisons pour pouvoir dépasser le maximum de la taxe des loyers, sans que les préfets fussent émus de l’illégalité de ces mesures.

Ce serait par centaines qu’on pourrait citer des faits analogues s’il était nécessaire. Un document officiel ne constatait-il pas, en 1893, que le département d’Oran s’était toujours refusé à appliquer la loi de 1836 sur les chemins vicinaux rendue exécutoire en Algérie depuis 1854, et en vigueur dans les deux autres départemens ?

  1. L’assistance publique, en Algérie, ne rentre pas dans les attributions communales ; il est pourvu à ses besoins au moyen de diverses ressources générales. Toutefois, certaines communes donnent des subventions aux hospices. Ce service est encore dans l’enfance.