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communication, qui, en dehors de tous leurs avantagés commerciaux et économiques, offrent à la colonisation l’un des meilleurs élémens de sécurité. C’est donc vers ce but que devaient converger tous les efforts des administrateurs ; il fallait au besoin exiger des populations indigènes une tâche double ou triple de celle qu’on leur demande ; et, pour obtenir un tel effort sans trop de mécontentement, faire travailler chaque douar sur son propre terrain : il eût vite compris l’utilité de la mesure et s’y fût résigné sans trop de peine. Aujourd’hui, rien de semblable. Les prestataires doivent faire leur travail dans toute l’étendue d’une commune qui comprend souvent plus de 20000 hectares ; quelquefois même on obtient, ainsi que cela s’est fait lors de la construction de chemin de fer de Dellys à Boghni, de les transporter dans d’autres communes ; pour trois ou quatre journées de travail effectif, on arrive ainsi à imposer aux indigènes six à sept journées d’absence. Or, l’inconvénient du système consiste non pas à éloigner les indigènes trop longtemps de chez eux, mais à ne tirer qu’un faible parti de la main-d’œuvre ainsi obtenue.

Si l’indigène préfère s’acquitter en argent, la commune en est particulièrement heureuse, car elle voit s’augmenter ainsi les ressources qu’elle pourra employer à ses fantaisies les plus singulières. Aucun budget n’est, en effet, établi avec un moindre souci de l’intérêt des contribuables que ceux de la plupart des communes d’Algérie. Personne n’ignore les embarras au milieu desquels se débat la ville d’Oran, perpétuellement acculée à la faillite ; mais, à côté de cet exemple d’incapacité administrative, combien n’en trouve-t-on pas d’autres qui, pour être peu connus, n’en sont pas moins significatifs ? Les municipalités algériennes ont la main large ; trop habituées à recevoir des subventions, elles créent sans compter des emplois superflus, menue monnaie électorale dont on se montre très avide ; elles accordent aux maires de certaines communes de 2 à 3 000 habitans des traitemens de 5 à 6 000 francs, sans compter le logement à la mairie ; et cette rémunération, qui ne serait pas excessive si le maire s’appliquait à remplir ses fonctions en conscience, devient abusive quand celui-ci, — et le cas est fréquent, — passe à peine une heure par jour dans les bureaux où il jette un regard distrait sur les nombreuses pièces qu’une administration trop compliquée s’ingénie à présenter à sa signature. La plupart des édifices municipaux ont été reconstruits depuis quelques années avec un