Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/887

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quoi qu’il en soit de cette question des grands commandemens qui, sauf dans le Sud, est devenue maintenant presque exclusivement historique, le choix des chefs indigènes ne saurait être indifférent au point de vue de la bonne administration de leurs coreligionnaires. En ce pays où l’empire de In tradition est si considérable, il importe que le chef soit préparé à sa fond l’on et cette préparation se rencontre tout naturellement dans certaines familles qui, ayant exercé de longue main l’autorité, conservent du prestige à l’égard des indigènes.

On confie parfois les fonctions de cheick ou de caïd à un ancien cavalier des deïras ou des spahis en récompense du zèle mis par lui à rendre au chef civil ou militaire des services plus ou moins administratifs. Encore une fois, tout dépend en ce cas de la surveillance exercée par le préfet ou le général de division sur ses subordonnés ; mais les exemples ne manquent pas pour prouver combien elle est difficile et défectueuse, surtout en territoire civil. Et cependant, combien importante est l’influence morale des chefs ! Dans la grande Kabylie, au moment où la bande d’Areski ben Bachir opérait impunément sons les yeux de l’autorité française, deux ou trois présidens de douars énergiques et aimés de leurs administrés, avaient fait savoir au bandit que, si lui ou ses bandes paraissaient sur leur territoire, ils seraient reçus à coups de fusil. Ces douars ne furent victimes d’aucune déprédation, alors que leurs voisins étaient rançonnés ; c’est en récompensant des chefs de ce genre qu’on se les attache, et non en les exposant aux avanies qu’on n’a point épargnées à quelques-uns d’entre eux.

Le sénatus-consulte de 1863 s’était proposé de créer chez les indigènes un commencement de vie publique en constituant dans chaque douar une djema, sorte de conseil municipal du douar-commune. Cette assemblée a disparu presque partout, sauf chez les tribus kabyles, où elle reste la base des institutions municipales. Il faut croire que les populations arabes n’y étaient pas fortement attachées, puisqu’elles ont montré tant d’indifférence à la conserver ; mais peut-être l’autorité française eût-elle été bien inspirée en la réunissant et en rendant son rôle obligatoire dans certaines affaires : c’était l’embryon d’un organisme local intéressant. En revanche, il n’est pas démontré que l’intervention préfectorale dans la nomination de l’amin, président de la djema kabyle, soit une bonne mesure, car sans