Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/884

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aucune critique de principe, mais déjà l’administration des communes mixtes est inférieure à celle des communes indigènes ; une trop grande partie des administrateurs ignore la langue du pays. Lorsqu’on a voulu établir le régime civil, au lieu de ne créer de communes mixtes que dans la mesure où on était certain de pouvoir les doter de bons administrateurs, on a procédé avec une trop grande précipitation. On a accepté la plupart de ceux qui se présentaient sans examiner s’ils offraient des garanties suffisantes. Ainsi s’est trouvé constitué d’élémens très disparates un corps pour lequel s’imposait la nécessité de choix très judicieux, en raison même de la complexité de ses attributions. Bon nombre d’administrateurs ne possèdent que des connaissances juridiques ou administratives rudimentaires et, malgré les éloges de la presse locale, ce personnel a encore besoin d’être grandement amélioré. Ce n’est point, en effet, par quelques conversations ou quelques publications dans les journaux qu’on peut juger de la valeur administrative des fonctionnaires ; c’est par leurs actes et par leur correspondance ; et celle-ci laisse trop souvent apparaître, outre une sérieuse insuffisance professionnelle, une infatuation qui prouve autant d’inexpérience des affaires que de mépris pour la syntaxe. L’administrateur emprunte parfois le l’on autoritaire de l’officier de bureau arabe, sans racheter ce défaut par les qualités d’un chef militaire. Aussi voit-on fréquemment éclore des conflits : conflits entre l’administrateur et le juge de paix qui se menacent réciproquement ; conflit avec le répartiteur qu’on ne veut pas assister dans l’assiette des taxes ; conflit avec le receveur des contributions qu’on prétend diriger dans le recouvrement de l’impôt ou des amendes. Aucune règle judiciaire, administrative ou budgétaire, n’arrête ceux qui en ignorent une bonne partie, et qui se considèrent comme au-dessus des autres.

La situation financière des communes mixtes est, à de très rares exceptions près, excellente : presque tous leurs budgets présentent des excédons de recettes considérables ; mais ce n’est point à dire que toutes les dépenses soient justifiées et toutes les recettes légitimes. Malgré les dispositions du sénatus-consulte de 1863, qui attribuent aux douars la jouissance exclusive de certains communaux qui leur ont été réservés, bon nombre de communes mixtes louent ces communaux et font figurer à leur budget le produit de ces locations abusives. Certaines autres,