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identiques à l’essence cherchée, et assez économiques pour qu’en les mariant et les diluant on puisse se passer de la fleur.

Pour l’instant cependant, comme ! le fait remarquer le Dr Charabot, ils n’ont aucune crainte à avoir : les deux industries, celle des parfums naturels et celle des parfums chimiques, rivales en apparence, sont, en réalité, solidaires dans la voie du progrès et également prospères, et cela parce que les parfums artificiels sont si durs, si éloignés de la finesse et du moelleux des parfums naturels, qu’il faut absolument, même dans la parfumerie à bon marché, les mélanger, pour avoir des produits vendables, aux essences naturelles. Ainsi s’explique que l’apparition de l’ionone ait eu pour effet d’augmenter sensiblement, depuis une dizaine d’années, la consommation des fleurs de violette.

Les succédanés jouent aussi un rôle des plus importans dans la chimie pharmaceutique. Les chercheurs qui, au lieu de s’orienter vers la fabrication synthétique des produits de luxe, comme les colorans et les parfums, se sont occupés des produits utiles, ont souvent vu leurs efforts, s’ils n’étaient pas couronnés d’un succès absolu, obtenir, grâce à la découverte de succédanés, des résultats très appréciables. Par exemple, en cherchant à réaliser la synthèse de la quinine, le fébrifuge par excellence, on n’a pas obtenu, il est vrai, le produit désiré, mais on a découvert des fébrifuges nouveaux, tels que l’antipyrine, la phénacétine, le phénocole, parfois préférables à la quinine elle-même, dont la synthèse, du coup, a perdu tout intérêt. Si donc la chimie pharmaceutique, comme celle des parfums, n’est pas encore au point de perfection atteint par la chimie des couleurs, si elle n’obtient pas encore, dans ses synthèses, le produit exactement visé, du moins est-elle déjà parvenue à réaliser des corps appartenant bien à la catégorie cherchée.

L’électricité, enfin, commence, elle aussi, avenir au secours des fabricans de produits organiques : c’est par électrolyse, aujourd’hui, que l’on prépare certains produits pharmaceutiques, tels que l’iodoforme et le bromoforme, et certaines matières colorantes, comme l’alizarine cyanine. L’acétylène lui-même, c’est-à-dire le four électrique, permet la préparation d’un succédané de l’iodoforme, le diiodoforme, doué de propriétés identiques, moins l’odeur écœurante que tout le monde connaît.