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de travail, à l’aide de quelques récipiens et de quelques ouvriers. Il suffit de traiter l’anthracène, carbure solide fourni par le goudron de houille et point de départ de cette fabrication, successivement par le bichromate de potasse, l’acide sulfurique et de la potasse en excès : finalement, on obtient un mélange d’alizarine ordinaire (alizarine pour rouge) insoluble et de sulfate de potasse soluble.

Ici, qu’on nous permette une parenthèse.

Il y a certes, dans cette chimie des couleurs, pour la méthode synthétique, un succès dont on ne saurait méconnaître la portée. Mais quel triomphe pour l’hypothèse atomique ! pour cette hypothèse qui, en nous faisant entrevoir l’architecture du monde des atomes, nous permet non seulement de reconstituer de toutes pièces des substances qu’élaborent les êtres vivans, mais encore nous rend facile et aisée la création de substances nouvelles analogues ! On a parlé, un moment de la déroute de l’atomisme. Erreur ! Comme le fait remarquer M. L. Poincaré, c’est encore l’hypothèse atomique qui, après l’interprétation toute naturelle des phénomènes chimiques, se prête le plus complaisamment à celle de toutes les découvertes retentissantes faites, depuis quelques années, dans les régions neuves de la physique. Aussi, sans vouloir rien exagérer, est-on en droit d’attribuer, en grande partie, à l’adoption franche et sincère, dans leur enseignement, de cette hypothèse dont ils avaient vite reconnu les avantages pratiques, les progrès incessans des Allemands dans le domaine de la chimie pure et de la chimie appliquée.

Lorsque, à la suite d’une étude approfondie de l’industrie chimique allemande, on constate, comme A. Haller, que la seule fabrication des matières colorantes organiques correspond, aujourd’hui, chez nos voisins de l’Est, à une valeur annuelle de 250 millions de francs, avec des bénéfices de 20 pour 100, et que l’on compare cette fabrication à la nôtre, on reste stupéfait,… et effrayé de la responsabilité qu’ont assumée, chez nous, les représentais officiels de la science qui, pendant trente ans et plus, se sont ouvertement opposés et s’opposent encore sournoisement à l’enseignement intégral de la théorie atomique dans nos collèges…

Gardons-nous bien de croire, d’ailleurs, que la théorie atomique, en ce qui concerne la fabrication des colorans organiques, ait dit son dernier mot. Obsédés par l’idée de donner