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Le plus difficile était d’amener un rapprochement entre le père et le fils. La Duchesse de Bourgogne, avec son adresse ordinaire, en avait préparé les voies. Elle avait ménagé la Choin et lui avait témoigné des égards ; Madame de Maintenon également. Touchée, celle-ci s’était employée à bien auprès de Monseigneur. Elle assista même à la longue conversation que le Duc de Bourgogne eut avec son père, deux jours après l’audience accordée par le Roi. Le même jour, la Duchesse de Bourgogne vint dîner à Meudon. Les dehors au moins étaient saufs.

La cabale n’avait pas son compte. Elle espéra le retrouver dans la différence de l’accueil qui serait fait à Vendôme par le Roi et surtout par Monseigneur. Elle eut un moment d’espoir. Le Roi, qui excellait à marquer les nuances, reçut Vendôme « très agréablement, » dit Sourches[1], « avec une sorte d’épanouissement, » dit Saint-Simon. Il était manifeste qu’il voulait tenir la balance égale, et ne témoigner d’aucun mécontentement. Mais Vendôme espérait mieux. L’audience que lui accorda le Roi fut courte : une heure seulement. Il comptait sur l’accueil. De Monseigneur ; de ce côté encore, il fut déçu. Il choisit le moment où Monseigneur revenait de la chasse pour aller lui faire visite, chez la Princesse de Conti. Le salon de la princesse était le siège de la cabale, et le rendez-vous de tous les ennemis du Duc de Bourgogne. Là Vendôme était, comme le dit Saint-Simon, « dans son fort. » L’accueil de Monseigneur fut des plus flatteurs, mais Vendôme en voulut profiter audacieusement pour le compromettre. Il lui demanda de s’engager à venir le voir à Anel. Monseigneur, à qui le Roi avait sans doute fait la leçon, hésita et fit une réponse incertaine. Vendôme s’en fut, dépité. Saint-Simon le rencontra dans la galerie, sans valets ni flambeaux, suivi de son fidèle Albéroni. Il le salua poliment, et remarqua avec joie son air chagrin[2].

Vendôme alla faire sa révérence au Duc de Bourgogne qui le reçut bien, comme cela était dans sa nature, et qui eut d’autant plus de mérite à le faire qu’à ce moment, il était pleinement informé de ce que les amis de Vendôme avaient débité contre lui. Mais l’audacieux personnage n’osa pas affronter l’abord de la Duchesse. Il craignait que la fière princesse ne le rebutât dès les premiers mots, et il s’abstint de lui faire visite. Etre à la Cour

  1. Sourches, t. XI, p. 239.
  2. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVI, p. 482.