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jours étaient encore perdus, au bout desquels Vendôme en revenait cependant ace dernier projet. « Toute réflexion faite, écrivait-il au Duc de Bourgogne, je croys qu’il n’y a d’autre party à prendre que de suivre le projet que vous m’avez fait l’honneur de me proposer par vostre lettre du 13… Il ne faut pas avoir à se reprocher de n’avoir pas tenté toute sorte de moyens pour sauver une place de l’importance de Lille[1]. » Ainsi, c’était un peu en désespoir de cause que Vendôme en revenait à ce projet d’une attaque simultanée, « ensuite de l’avoir luy-mesme refuté…, » comme le faisait observer Berwick à Chamillart, et « sans en dire d’autres raisons que celle de ne savoir plus comment faire pour sauver Lille[2]. »

Il n’y avait pas là de quoi inspirer grande confiance, et comme le projet émanait du Duc de Bourgogne, ce n’est peut-être pas calomnier Vendôme de supposer qu’en cas d’échec il en aurait rejeté la responsabilité sur lui. Aussi le Duc de Bourgogne demandait-il à consulter le Roi par courrier. Mais ce projet d’offensive était trop conforme aux instructions que Louis XIV avait toujours données pour que son approbation fût un instant douteuse. Après quelques heures de repos, le même courrier emportait deux dépêches, l’une adressée au Duc de Bourgogne, l’autre à Vendôme. Les dernières lignes de celle à Vendôme sentent l’anxiété et l’émotion : « Je vous recommande d’exhorter les officiers à faire leur devoir dans une occasion dans laquelle ils auront à leur teste le Duc de Bourgogne, le duc de Berry, le Roy d’Angleterre, et qui intéresse si fort l’honneur et la nation[3]. » Une action décisive semblait imminente. Le Duc de Bourgogne mandait en effet au Roi qu’il était à la veille d’exécuter ses ordres. Mais, au ton de sa dépêche, on sent que lui-même n’a pas confiance dans le succès de son propre projet. « J’aurois été dans la dernière des afflictions, écrit-il au Roi, si je n’avois espéré que Vostre Majesté me rendroit la justice de croire que j’ai toujours agi pour ce qui m’a paru le mieux dans ce qui ne s’est pas absolument conformé à ses intentions. J’appréhende toujours, de quelque manière que nous nous y prenions, que nous ne voyions prendre Lille. Je ne dis point tout cecy à Vostre Majesté sur le ton de représentation, car je travaille à exécuter

  1. Dépôt de la Guerre. 2 083, Vendôme au Duc de Bourgogne, 18 oct. 1708.
  2. Ibid., 2 083. Berwick à Chamillart, 19 et 22 oct. 1708.
  3. Ibid., 2 083. Le Roi à Vendôme, 20 oct. 1708.