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moment pour mettre le comte de la Mothe en estat de s’opposer à la marche du convoi qui se prépare[1]. »

Le comte de la Mothe était un bon officier, mais vieilli, et qui devait montrer plus tard une singulière mollesse dans la défense de Gand. Depuis longtemps lieutenant général, il aspirait au bâton de maréchal, et ce fut, du moins à en croire Bellerive, cette considération qui détourna Berwick, envoyé par le Duc de Bourgogne pour inspecter les défenses du canal de Gand à Bruges, de prendre lui-même le commandement du corps destiné à empêcher le passage du convoi ennemi. « Vous êtes bon et sage, écrivait Berwick à la Mothe en quittant Gand pour aller rejoindre le Duc de Bourgogne. Je vous souhaite toute sorte de succès[2]. « Il aurait mieux valu qu’il restât. La Mothe prit mal ses mesures. Il laissa les ennemis s’emparer de la place de Leffinghe qui commandait la route d’Ostende à Lille. Le Duc de Bourgogne lui avait envoyé successivement Chemerault et Puiguyon, le premier avec quatre bataillons et quatre escadrons, le second avec vingt-cinq bataillons et vingt escadrons. Mais il n’attendit pas que ces renforts, arrivés de la veille, fussent en ligne pour attaquer, près de Wynendale, le corps d’armée commandé par Webb et Cadogan qui escortait le convoi. L’infanterie qui était à l’avant-garde se comporta mal : elle se débanda sous le feu des ennemis, se jeta à droite et à gauche dans les bois, et il n’y eut pas moyen de la ramener au feu. L’arrière-garde prit à peine part à l’action. Webb ne perdit pas de temps à poursuivre son avantage. Il se contenta de faire Mer en hâte sur Lille le convoi dont il était chargé de protéger la marche, et ce convoi arriva le 30 au camp d’Eugène, où il fut reçu avec des acclamations enthousiastes.

Au ton de ses dépêches, il est manifeste qu’à partir de cette fâcheuse affaire, le Duc de Bourgogne tomba dans le découragement. Le sort de Lille lui paraît tranché. « Selon toutes les apparences, on doit considérer que Lille sera pris, » écrivit dans un Mémoire qu’il envoie au Roi le 1er octobre ; et, en prévision de cette perte, il propose à l’avance de séparer l’armée en deux corps, l’un qui défendrait Gand et Bruges, l’autre qui couvrirait l’Artois et la Picardie. Quelques jours après, le 5 octobre, il envoie un nouveau mémoire dans le même sens. Berwick et

  1. Dépôt de la Guerre, 2 083. Le Roi au Duc de Bourgogne, 23 sept. 1708.
  2. Pelet, Mémoires militaires, t. VIII, p. 445.