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nous adressons ici, faisant appel à leur bonne foi et à leur amour de la France. C’est pour eux que nous montrerons brièvement les titres envers le pays de ces congrégations qu’une Chambre asservie s’apprête à condamner en bloc, sans bien connaître ni leur œuvre ni leur esprit ; et, pour cela, nous ne rappellerons pas leurs services envers l’enfance abandonnée ni envers l’humanité souffrante ; nous oublierons que, par l’admirable fécondité et l’infinie variété de leurs œuvres, ces religieux et ces religieuses, méconnus de notre ingratitude, ont donné à la France contemporaine une primauté, glorieuse entre toutes, la pacifique primauté de la charité ; nous ne nous souviendrons que des services rendus au loin à l’influence française et à la langue française par ces humbles soldats de la Croix, champions de la France en même temps que de l’Evangile, qu’un gouvernement français s’est donné la mission de désarmer et d’affamer.


II

Pour comprendre toute l’importance du rôle de nos missionnaires et de nos religieux dans le monde, il faut avoir pleine conscience de l’expansion des peuples modernes et des luttes d’influence sur toute la surface du globe.

Le début du XXe siècle nous apparaît déjà comme une époque de compétition universelle entre les peuples, les races, les civilisations, les langues. C’est l’âge de la politique « mondiale, » de la Weltpolitik, comme disent les Allemands, ou, ce qui revient au même, c’est l’âge des impérialismes envahisseurs. Les grands Etats des deux Mondes se disputent le globe et se le partagent. Ils luttent ensemble à qui occupera le plus de place sur les rivages de l’Océan comme sur les plaines des continens. Ils cherchent à se tailler, par le canon, par la diplomatie, par les écoles, par le commerce, chacun sa sphère d’influence politique, économique, intellectuelle. Et, de ces grandes nations qui, par la paix ou par les armes, débordent de tous côtés sur les mers lointaines et sur les terres neuves, la France n’a pas renoncé à être une. Bien qu’elle se soit laissé distancer par plusieurs de ses rivales, elle reste encore une des puissances mondiales ; et quelques conseils de défaillance et d’abandon que lui donnent des esprits découragés, elle a le droit et le devoir de ne pas abdiquer