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syndics des marchands de Berlin le suppliaient de s’arrêter. Il ne se décidait pas à la résolution suprême ; il retardait l’ordre de départ de la Garde et, sans que Bismarck s’en mêlât cette fois-ci, il chargeait un de ses neveux de nouvelles négociations à Dresde auxquelles fut mêlé le grand-duc de Weimar. Le casus belli échappait encore.


VII

« Ah ! vous nous rendriez un fameux service, dit Bismarck à Govone et à Barral, si vous attaquiez les premiers. C’est chez le Roi une religion, presque une superstition, de ne pas prendre la responsabilité d’une guerre européenne ; il faut, pour l’entraîner, organiser une bonne petite provocation. — Nous ne le pouvons pas, répondirent les Italiens ; nous nous sommes engagés à ne pas attaquer les premiers. Nous l’avons fait déclarer au Corps législatif ; nous devons ménager l’opinion publique française afin de ne pas rendre difficile ou impossible l’action amicale de l’Empereur en notre faveur. — Eh bien ! ne pourriez-vous pas gagner un régiment croate et vous faire attaquer ? Le jour suivant, nous passerions la frontière[1]. » Cavour, dont on se rappelle les lettres au prince Napoléon sur les volontaires lombards, n’aurait probablement pas dit non. On ne pouvait pas attendre un oui de La Marmora.

À défaut de l’Italie, Bismarck chercha un autre moyen de se faire faire violence. Il publia au Journal officiel la convention secrète conclue avec l’Autriche à la veille de l’entrée dans les Duchés (6 juin) ; il fit ordonner aux princes de rejoindre l’année et au corps prussien du Sleswig d’envahir le Holstein et de disperser les États convoqués à Itzeboe (7 juin). Il espérait que les troupes autrichiennes des Duchés résisteraient et que le conflit s’engagerait ainsi. Ses prévisions furent encore une fois trompées. L’Autriche, résolue de supporter toutes les avanies plutôt que d’attaquer la première, désireuse surtout de donner un caractère fédéral à la guerre, ordonne d’évacuer Altona et tout le Duché, et le général Manteuffel ne s’y oppose pas énergiquement, comme on s’y attendait, et laisse s’opérer le mouvement de retraite vers l’armée de Bohême. « Comprenez-vous cela ? dit

  1. Govone à La Marmora. 3 juin. Barral au même. 5, 6 juin 1866.