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de Gastein et par-là elle a substitué les anciens rapports de copossession à la récente division géographique. En convoquant les États du Holstein et en remettant à la Diète la solution de l’affaire des Duchés, elle a disposé seule des droits qu’elle n’a plus qu’indivis. C’est une provocation directe, n’ayant de signification que si le cabinet de Vienne entend la faire suivre immédiatement de la rupture, car il n’a pu penser que nous endurerions tranquillement son attaque à nos droits. » Il raconte ensuite à sa façon la négociation Gablentz, en la présentant comme engagée confidentiellement par le Roi à l’insu de son ministère, ce qui était faux[1], et il réprouve comme un acte de provocation perverse le refus honorable de l’empereur François-Joseph d’accepter ses propositions inacceptables. « L’échec de ces négociations, ajoute-t-il[2], prouve, nonobstant l’amour de la paix professé en théorie par l’Empereur, qu’il s’est laissé influencer par l’ardeur belliqueuse qui règne dans le sein de son Conseil. Les ministres impériaux désirent la guerre à tout prix, en partie pour triompher d’embarras intérieurs, et même avec l’intention expresse devenir au secours des finances obérées, par des contributions prussiennes ou par une honorable banqueroute. »

Guillaume, très blessé de la proposition autrichienne sur les Duchés, annonça à Barral que le moment d’entrer en campagne n’était plus qu’une question de jours, qu’il avait pleine confiance dans la justice de sa cause et la bravoure de son armée ; mais que la victoire était dans les mains de Dieu. « Heureusement, ajouta-t-il d’un air ému en portant la main sur son cœur, j’ai la conscience nette. Longtemps on m’a accusé de vouloir la guerre dans des vues ambitieuses ; mais maintenant, après le refus de l’Autriche d’aller au Congrès, son indigne violation du traité de Gastein et les violences de sa presse, le monde entier sait quel est l’agresseur. »

Mais les adjurations pacifiques lui arrivaient de toutes les parties de la monarchie et de toutes les classes ; les députés allemands réunis à Francfort condamnaient la guerre comme un crime envers la nation ; les landwehriens murmuraient ; les

  1. Lui-même en est convenu dans son discours du 10 janvier 1814 : « Moi-même, quand les troupes prussiennes étaient déjà en mouvement (elles l’étaient en effet pour la mobilisation), j’ai fait à l’empereur d’Autriche des propositions qui auraient pu facilement aboutir à un accommodement. »
  2. Bismarck, circulaire du 4 juin 1866.