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au droit fédéral de la question des Duchés, et il abandonnait l’entière poursuite de cette affaire d’un caractère tout allemand, aux résolutions de la Diète, résolutions auxquelles était acquis d’avance son assentiment le plus empressé. Le gouverneur autrichien dans le Holstein reçut l’ordre de convoquer l’assemblée des États « afin que la représentation légale du pays, dont il s’agit de régler les destinées et dont les vœux ainsi que les opinions forment un des élémens autorisés de la solution, ne soit pas plus longtemps privée de l’occasion d’exprimer ses sentimens. »

La réponse officielle de Vienne arriva à Paris le 3 juin. C’était un dimanche, Drouyn de Lhuys assistait à Montereau à une fête locale. Il se rendit immédiatement auprès de l’Empereur qui, ayant décidément pris au sérieux son Congrès, se montra mécontent et se rejeta de nouveau du côté de la Prusse.

Le Congrès, dès que l’Autriche refusait de s’y prêter, devenait inutile. Drouyn de Lhuys, Clarendon et Gortchakof se le notifièrent réciproquement (4 juin 1866).

Prétendre que par son refus de participer à un Congrès dont sa spoliation était l’objet principal, l’Autriche s’est rendue responsable de la guerre et doit être considérée comme sa provocatrice, c’est un de ces défis au bon sens auxquels il est superflu de répondre. Dire que par-là elle a diminué ses chances en encourant le blâme moral de l’Europe, c’est encore moins sérieux. Ni l’approbation ni le blâme moral ne donne ou retire la victoire, et le victorieux, quoi qu’on en ait dit ou pensé avant, recueille l’approbation universelle. Le refus de l’Autriche n’est qu’une faute tactique : elle était moins prête que la Prusse, et le Congrès lui donnait le temps, qu’elle aurait dû saisir avec empressement, de compléter ses arméniens et sa mobilisation. Au Congrès, se serait peut-être produite telle circonstance qui lui eût permis de consentir avec honneur à cette cession de la Vénétie dont elle n’était plus systématiquement éloignée. On ne se trompe guère en faisant ce que l’ennemi redoute que vous fassiez. Or ce Congrès était la terreur de Bismarck. A la nouvelle de son échec, il éprouva une joie aussi intense que celle de Cavour à la remise de l’ultimatum autrichien : « Vive le Roi ! » s’écria-t-il avec transport. Enfin, il croyait tenir son casus belli !

Il ne le laissera pas échapper. Il lance sur-le-champ une circulaire fulgurante : « L’Autriche vient de se délier du traité