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appeler au pouvoir le parti libéral, proclamer la Constitution allemande de 1849, et entraîner avec nous le sentiment national de Hamourg à Munich[1]. »

Et il en revenait à cette interrogation : « Que veut donc l’Empereur ? » Il le demandait à Goltz, à Govone, à Benedetti. « Qu’il le manifeste, leur disait-il ; qu’il nous fasse connaître le minimum de ses exigences, nous verrons si nous pouvons les satisfaire. Il veut des compensations en vue de nos accroissemens éventuels ? Soit, mais qu’il explique lesquelles. Il en est qui lui sont naturellement indiquées, la partie française de la Belgique et de la Suisse, partout où on parle français sur votre frontière. Veut-il de la terre allemande ? S’il en demande trop, par exemple toute la rive gauche du Rhin, Mayence, Coblentz, Cologne, je préférerais m’entendre avec l’Autriche, renoncer aux Duchés et à bien d’autres choses encore. Mais, s’il est raisonnable, s’il ne veut que le pays compris entre le Rhin et la Moselle, je pourrai proposer au Roi d’y consentir et, au moment suprême, quand il serait au point de tout perdre ou de tout gagner, peut-être s’y déciderait-il. Mais qu’il parle ; que nous sachions ce que nous pouvons espérer, ou ce que nous devons craindre. »

Eût-il, sous le coup de la nécessité, promis à notre convoitise imprévoyante quelque lambeau de territoire, aurait-il tenu sa promesse ? Ses admirateurs l’ont nié, et lui-même, à propos d’un autre sujet, a prononcé plus tard des paroles qui, rétroactivement, s’appliquent à sa situation en 1866 : « Supposez, dit-il, qu’au moment où les complications nous menaçaient, qu’au moment où nous étions obligés de marcher contre la France, l’Autriche nous eût dit : « Nous serons tranquilles et observerons une neutralité amicale, si vous laissez entrer en franchise tous les vins hongrois et si, en outre, vous faites d’équivalentes concessions douanières à nos fabriques de sucre, à nos filatures, » ma réponse eût été d’accorder à ce pays les concessions qu’il demandait. Je suis assez homme d’affaires pour cela en pareil cas. Mais que serait-il arrivé à notre retour ? Il serait arrivé, ou que nous eussions immédiatement redemandé d’une façon comminatoire notre indépendance douanière, ou bien que nous eussions attendu un moment analogue à celui où nous sommes

  1. Benedetti, 19 mai. — Govone à La Marmora, 22 mai 1860. — Benedetti à Drouyn de Lhuys, 4 juin 1866. — Govone à La Marmora, 3 juin 1866. — Télégramme de Barral à La Marmora, 3 mai 1866.