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Talleyrand : « Se borner à des représentations ou à des conseils, lorsque les passions sont en jeu, n’amènerait aucun résultat. Trois questions sont aujourd’hui les causes du conflit prochain : la Vénétie, les duchés de l’Elbe, la réforme fédérale. Si l’Angleterre, la Russie et la France consentaient à se réunir en Congrès après être convenues que, sans soulever aucune autre question, les délibérations porteront exclusivement : 1° sur la cession de la Vénétie à l’Italie, sauf compensation pour l’Autriche et garanties pour le pouvoir temporel du Saint-Père ; 2° sur le sort des duchés de l’Elbe et sur la réforme de la Confédération germanique en ce qui touche l’équilibre européen, elles pourraient convier à ce Congrès l’Autriche, la Prusse, un représentant de la Confédération germanique et l’Italie. S’entendre d’avance sur la solution de ces questions me paraît impossible ; mais il suffit que les trois grandes puissances affirment la volonté de les résoudre pour que les maux de la guerre soient évités et la paix assurée (8 mai). »

Clarendon accepta, en principe, la réunion des trois puissances ; sauf à ne lui donner la dénomination de Congrès que lorsque la Prusse et l’Autriche y auraient adhéré. Il insista surtout pour savoir la portée de ces mots : la ferme intention de résoudre les questions. Cela signifiait-il que les puissances étaient disposées à assurer par la force l’exécution de leurs résolutions ? L’Angleterre ne prendrait en aucun cas un arrangement de cette nature (9 mai, 5 h. 34 soir). Immédiatement (9 mai, à minuit) Drouyn de Lhuys répond : « La dénomination de Congrès pour la réunion des trois puissances ne nous importe pas. Quant à l’emploi éventuel de la force des armes, ce serait une question réservée. L’exclure dès le début enlèverait toute autorité aux décisions. » Il modifia sa rédaction dans ce sens. Clarendon demanda alors : 1° qu’on se bornât à admettre, en retour de la cession de la Vénétie, le principe d’une compensation pour l’Autriche, sans placer cette puissance dans la nécessité de réclamer elle-même cette compensation ; 2° qu’on supprimât le passage relatif aux garanties en faveur du pouvoir temporel du Pape. Cette question n’était pas de celles qui menacent de troubler la paix de l’Europe, car, en aucun cas, une pareille garantie ne saurait être effective et tout au plus pourrait-elle être l’objet d’une convention spéciale entre la France, l’Autriche et l’Italie.