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monde se rapprocherait déjà de 2 milliards de francs. Ce chiffre sera vraisemblablement atteint d’ici à peu d’années, et se maintiendra sans doute pendant la longue durée que des calculs, presque mathématiques, assignent aux mines transvaaliennes. Sans donc faire entrer en ligne de compte la probabilité, d’ailleurs très grande en dépit des prédictions du géologue Suess, de la découverte de nouveaux champs aurifères, on peut être certain que les gisemens déjà connus garantissent à l’humanité une production de métal jaune suffisante pour tous ses besoins monétaires.

Cela est d’autant plus certain que la conservation du métal, une fois extrait des entrailles de la terre et fondu en lingots ou en pièces, est beaucoup mieux assurée de nos jours qu’elle ne l’était jadis. Cet or, si recherché, circule de moins en moins, sous sa forme matérielle ; il repose dans les souterrains des grands établissemens, préposés chez les nations modernes à l’organisation et à la surveillance des instrumens monétaires : ceux-ci tendent de plus en plus à être des signes représentatifs, dont la valeur est assurée par les espèces qui les gagent, mais qui, une fois cette garantie établie, sont infiniment plus commodes et recherchés par le public ; les billets de banque, les chèques, les mandats de virement règlent un nombre croissant de transactions, si bien que ce sont les communautés les plus avancées en matière économique, telles que l’Angleterre et les États-Unis d’Amérique, qui liquident un nombre maximum d’échanges avec une quantité minimum de monnaie métallique. Les besoins qu’on a de cette dernière ne grandissent donc pas en raison du développement des affaires ; la Grande-Bretagne alimente un commerce double du notre avec un stock métallique qui n’atteint pas la moitié de celui de la France. Ce fait, joint à celui de l’accroissement certain de l’approvisionnement d’or de l’humanité, auquel 40 ou 50 milliards s’ajouteront, avant une trentaine d’années, doit nous rassurer pleinement sur le soi-disant péril que ferait courir au monde la disparition de quelques milliards de francs en pièces d’argent, ou plutôt le retrait du pouvoir libératoire précédemment accordé à ces pièces, car la plupart d’entre elles sont transformées en monnaies divisionnaires et reparaissent dans la circulation sous cette autre forme.

Les statistiques que nous venons de mettre sous les yeux de nos lecteurs méritent encore plus d’attention si nous les