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rapport au franc. Les avis sont partagés sur cette valeur ; nous nous rallierions volontiers au chiffre de 2 fr. 50 ou 2 fr. 40 indiqué par M. Paul Leroy-Beaulieu. Il n’y a pas d’inconvénient à assigner à cette pièce une valeur supérieure à sa teneur en argent calculée au cours du jour : les quantités en étant désormais limitées, ce fait, à lui seul, justifie une appréciation. D’autre part, il ne faut pas qu’en cas d’une hausse, peu probable, mais cependant possible, du métal, le cours de notre piastre ait été fixé si bas que la moindre reprise des cours l’amène à valoir intrinsèquement plus que sa valeur nominale.

Ces diverses raisons nous paraissent tracer au gouvernement la conduite à suivre. L’ensemble des mesures que nous venons de recommander constitue la première partie d’un plan dont la suivante serait le passage à l’étalon d’or. Cette seconde phase n’a rien d’urgent ; l’arrivée en dépendra beaucoup des circonstances et de la tournure que prendront les choses à la suite de la réforme : l’essentiel est d’arrêter la frappe et de donner un cours fixe à la piastre. Ce qui s’est passé aux Indes doit nous rassurer sur les conséquences et nous engager à prendre le plus tôt possible une décision. La commission réunie à Paris pour rechercher la solution du problème vient, croyons-nous, de conclure à l’adoption de ce système.

C’est une solution analogue que, d’après les nouvelles les plus récentes arrivées de Washington, les Américains appliqueront probablement aux Philippines. Ils vont expulser de l’archipel les monnaies étrangères, en particulier les piastres mexicaines qui l’alimentent en beaucoup d’endroits ; ils vont frapper une piastre d’argent philippine, que, seul, le gouvernement pourra mettre en circulation, qui n’existera qu’en quantité limitée, et qui sera volontiers acceptée des habitans, familiarisés avec le métal blanc. Cette piastre sera tarifée à un rapport fixe avec la monnaie américaine et sera déclarée équivalente à un demi-dollar d’or. Cette assimilation est le jalon posé en vue de l’avenir, celui qui permettra plus tard d’introduire dans les Philippines l’étalon américain. Mais autant il est logique de prévoir cette éventualité, autant il est sage de procéder par étapes et de ne pas amener un trouble soudain dans la vie économique de l’archipel en lui imposant une brusque révolution. C’est le programme que nous voudrions voir suivre en Indo-Chine, avec cette différence que nous n’avons pas à y