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Cernuschi ne se lassa ni de demander ni de prédire le rétablissement ; personne n’essaie même d’obtenir de la France, de l’Angleterre ou de l’Allemagne ces demi-mesures ou ces quarts de mesure bâtardes, mort-nées, que les faiseurs de projets recommandaient, à grand renfort d’éloquence, aux congrès monétaires, et qui consistaient, tantôt dans l’achat d’un certain stock d’argent par les Trésors publics, tantôt dans l’admission, dans les encaisses des grandes banques d’émission, d’une plus forte quantité de métal blanc. Le problème est singulièrement circonscrit. Il semble que tout le monde soit d’accord sur un point : l’or sera un jour, et ce jour n’est peut-être pas éloigné, l’étalon unique de la terre entière. Il ne reste qu’à rechercher le meilleur mode de transition, pour les pays qui ne sont pas encore à ce régime, entre leur situation actuelle et celle à laquelle, bon gré mal gré, ils devront arriver.

Il y a pour cela trois catégories d’États à envisager : ceux chez lesquels l’étalon d’or existe déjà en fait, mais qui ont à se débarrasser d’un stock d’argent surabondant, ayant encore, de par la loi, force libératoire, déjà partiellement éliminé, par la pratique journalière, encombrant les caves des banques, gênant la circulation, jetant un doute sur la solidité de la législation monétaire : telles les nations de l’Union latine. Une deuxième classe comprend les pays dont l’étalon monétaire est imparfaitement défini, ceux qui soutirent du mal connu sous le nom de cours forcé, c’est-à-dire du papier-monnaie, de l’absence de tout métal libératoire dans la circulation et qui, le jour où ils reprendront les paiemens en espèces, seront, sans aucun doute, amenés à les reprendre en or, se mettant d’emblée au rang des peuples dont le système monétaire est le meilleur. C’est ainsi que, dans les nouvelles villes d’Amérique, le premier éclairage établi est l’électricité, sans que les habitans aient jamais connu ni le gaz, ni l’huile végétale, ni le pétrole. La troisième catégorie se compose de pays à étalon d’argent, dont le Mexique est le type le plus parfait, et parmi lesquels il faut ranger notre empire d’Extrême-Orient, où la question est particulièrement brûlante à cause des rapports quotidiens avec la métropole.

À l’exception de l’Angleterre, qui, dès le commencement du XIXe siècle, avait institué chez elle l’étalon d’or, dont, avec son admirable sens commercial, elle n’a depuis lors eu garde de se départir un seul jour, la plupart des grandes nations ont passé,