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II

Le monde moderne a vécu pendant plusieurs siècles sous le régime du bimétallisme, régime qui a reçu son expression en quelque sorte définitive dans notre loi de germinal an XI, laquelle établissait l’équivalence parfaite entre un gramme d’or et 15 grammes et demi d’argent. Cent ans plus tard, à l’heure où nous écrivons, cette loi préside encore à la frappe de nos monnaies ; mais, sur le marché libre des métaux, on obtient 40 grammes d’argent pour un gramme d’or, tandis qu’à l’époque où notre système monétaire fut organisé, le rapport légal de 1 à 15 1/2 correspondait à celui qui existait sur le marché libre. Ce simple énoncé permet de mesurer l’étape franchie. Le législateur français avait cru enfermer dans un rapport immuable de valeur les deux métaux qui servaient alors à l’humanité à accomplir ses transactions ; il autorisait tout porteur de lingots de l’un ou de l’autre à les apporter à l’Hôtel des Monnaies pour recevoir, en échange, des pièces qui lui permettaient d’acquitter des dettes de n’importe quel montant. Depuis vingt-cinq ans, cette faculté a été retirée aux particuliers, et l’État lui-même a cessé de frapper des écus pour son compte. Nous vivons en réalité sous le régime de l’étalon d’or ; c’est-à-dire que, seuls, les lingots de métal jaune peuvent être apportés en quantités illimitées à la Monnaie, qui les transforme, moyennant prélèvement d’une légère fraction à titre de seigneuriage, en pièces de dix, de vingt, de cinquante ou de cent francs. Les autres monnaies françaises se divisent en deux catégories : les pièces de cinq francs en argent sont en nombre limité, puisqu’il n’en est plus frappé une seule ; elles servent à tous paiemens, sans limitation. Au contraire, les pièces de deux francs, d’un franc et de cinquante centimes en argent, les pièces de dix, de cinq, de deux et d’un centime en bronze ne peuvent être imposées aux particuliers que jusqu’à concurrence de cinquante francs les premières, de cinq francs les secondes, tandis que l’État est obligé de les recevoir en quantités illimitées. Cette obligation édictée pour les caisses publiques de reprendre les monnaies divisionnaires et de billon est une garantie que, le gouvernement n’abusera pas de ces créations et ne mettra pas dans la circulation plus de ces monnaies que les besoins du public n’en réclament. Ces pièces ne constituent pas en effet la