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qu’on eut, un instant, foi dans les promesses d’un diplomate américain, le général Parker, qui s’était imprudemment engagé au nom des États-Unis à fournir d’officiers de marine et même d’amiraux les escadres de la Confédération. Malheureusement, le cabinet de Washington désavoua le général, et l’on dut se passer du secours attendu d’outre-mer.

Cependant, à la fin de l’armistice, la flotte de la Confédération fut déclarée prête. Etait-elle prête, en effet ? Un historien maritime, — très digne de foi, car il a appartenu aux services de l’Amirauté, — déclare que, sur dix ou douze navires, deux ou trois seulement se trouvaient en état de combattre dans de bonnes conditions. Cette flotte, victime de la hâte avec laquelle elle avait été rassemblée, était composée d’unités assez disparates, à voiles et à vapeur, et d’une petite flottille de canonnières, parmi lesquelles beaucoup à rames, ce qui semble aujourd’hui primitif. Tous les bateaux, quoique de provenances diverses et appartenant à différens États, arboraient à la poupe les couleurs du vieil Empire germanique : noir, or et rouge. L’unité allemande se manifestait ainsi très fièrement, mais très imprudemment, sur l’eau. L’Angleterre, en effet, devait profiter de l’occasion qui s’offrait à elle pour arrêter net le développement d’une marine rivale. C’est le 4 juin 1849 que se passa, en vue d’Héligoland, le petit drame naval qui, en quelques minutes, brisa l’effort des États confédérés et ruina leurs espérances. Brome, à la tête de trois navires, croisait de ce côté. Ayant rencontré une corvette danoise : Walkirie, il avait déjà échangé quelques bordées avec elle, lorsqu’un coup de canon, tiré à blanc par la forteresse anglaise, lui intima l’ordre de cesser le combat. Brome obéit, vira de bord, et regagna la côte allemande, où l’explication de cette intervention inattendue lui fut aussitôt donnée. Une communication officielle du gouvernement de la Grande-Bretagne avait annoncé au Sénat de Brème que, le pavillon noir, or et rouge « étant inconnu sur les mers, tous les vaisseaux qui l’arboreraient s’exposeraient à être traités en pirates. »

Cette déclaration, d’une si incroyable audace, eut un effet foudroyant. Le pavillon germanique disparut de tous les bateaux ; la Prusse elle-même reprit ses couleurs nationales. Jamais plus la marine de la Confédération ne fit parler d’elle. Bientôt après, en 1852, la suppression totale de la flotte allemande fut décrétée. Il fut décidé, en outre, qu’on mettrait aux enchères les navires