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C’est dans la solitaire bibliothèque de province confiée à sa garde que nous est présenté Valentin Bridou, le héros du Beau jeune homme. Il s’ennuie dans sa province et dans sa bibliothèque. Il est bien vrai que l’institutrice de l’endroit vient de temps en temps consulter le Larousse ; mais Valentin n’a qu’une envie médiocre d’épouser cette petite fonctionnaire ; et elle est honnête. C’est pourquoi Valentin rêve de s’échapper et de venir, à la première occasion, chercher fortune à Paris. Elle se présente, cette occasion, sous la forme d’un M. Jounel, bourgeois important qui, voulant se présenter aux élections, a besoin d’un homme d’esprit pour secrétaire. En route pour Paris ! Ce premier acte n’est ni plus mauvais, ni meilleur qu’un autre. Toute la question est de savoir à quoi il nous prépare et quelles aventures attendent à Paris le beau Valentin.

Devenu le secrétaire de M. Jounel, Valentin est bientôt l’homme indispensable de la maison. Tout irait pour le mieux et ce serait le commencement de la fortune, si Mme Jounel ne semblait avoir pris en grippe cet intrus, et ne profitait de l’absence de son mari pour lui signifier son congé. Alors revirement subit : « Madame ! je puis bien vous le dire, maintenant que je m’en vais : je vous aime ! » Brusque déclaration aussitôt suivie de cette réponse : « Et moi aussi, Valentin, je vous aime ! » Voilà donc les affaires de Valentin remises en état ; mais elles vont se brouiller derechef. Valentin en quittant le salon a mis un baiser sur les cheveux de Mme Jounel. Le mari rentre et s’avise, contrairement à toutes ses habitudes, de mettre un baiser sur les cheveux de sa femme qui soupire : « Finissez, Valentin ! » Fâcheuse méprise ! Cette fois Valentin est flanqué à la porte, et pour de bon. A la rigueur cet acte qui est le mieux venu pourrait passer pour un acte de comédie. Mais déjà voici que nous tombons dans la bouffonnerie.

Nous sommes dans les bureaux de l’agence Bluche. Le respectable M. Bluche tient une agence de renseignemens qui est en même temps un bureau de placement. C’est assez dire qu’il est un important per sonnage dans notre société moderne, et que tout Paris, en y ajoutant la province et l’étranger, doit défiler dans ses salons. Le fait est que nous y allons voir arriver successivement tous les personnages de la pièce : Valentin, M. Jounel, Mme Jounel et l’institutrice, et la sœur de l’institutrice qui est cocotte, et d’autres qu’il ne m’a pas semblé indispensable de vous présenter. A Valentin, M. Bluche trouve une place de comptable chez un emballeur ; à l’institutrice, une place de caissière dans un restaurant à vingt-deux sous.