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dans la voix. Et le grand-papa s’apitoie rétrospectivement. « Maman, j’en ai trouvé un de voyageur ! — Tu vois ! je te l’avais bien dit. — Mais il ne veut pas entrer dans le chemin de fer, le voyageur. » C’est le petit qui suit son idée. Survient un ami de la famille, Trévoux. Lui aussi, il a ses habitudes dans le home de Henri. L’enfant lui saute au cou et l’appelle « Mon oncle ! » D’où, jalousie du grand-père. On sonne. Qui serait-ce ? sinon Mme Jauvenel qui, elle non plus, n’a pu résister au désir de connaître son petit-fils ? Elle arrive en grand mystère, tapote sur les joues du petit homme et fait à la mère de minutieuses recommandations pour la santé du convalescent. « Maman, est entré, le voyageur. — Qu’as-tu fait, petit malheureux ? Tu as encore cassé la tête de ton bonhomme. — Maman ! c’était la tête qui l’empêchait d’entrer. »

Tout le monde s’est accordé à constater que le Secret de Polichinelle est un spectacle délicieux. Au spectacle de la scène je préfère encore celui de la salle. La pièce de M. Pierre Wolff a été adoptée par les familles. On y mène les collégiens et les vieillards. Cet attendrissement de nos contemporains sur les joies de la famille selon la nature, ce sort fait à des bavardages puérils, ce plaisir pris à larmoyer en commun... on trouverait difficilement image plus parfaite de notre actuelle déliquescence.

Le Secret de Polichinelle est admirablement joué par M. Huguenet, très différent de lui-même, mais toujours égal dans la perfection, par Mme Judic, et par une petite Baudry qui se tire de son rôle avec cette sûreté imperturbable et terrifiante qu’ont si souvent les enfans au théâtre.


M. Capus a coutume de faire avec rien de petites pièces aimables, gaies, ingénues, rouées, souriantes. Elles plaisent par leur nonchalance et leur décousu. On en aime l’esprit facile. C’est l’article de Paris. Il serait bien impossible d’ailleurs de définir exactement et d’exposer doctoralement les raisons de leur prodigieux succès ; il y a là de l’inexpliqué. M. Capus a su deviner ce qui, à un certain moment, convenait à un certain public : c’est l’instinct, c’est le flair. Il a su doser avec une habileté qui a des airs de n’y pas toucher les différens élémens de raillerie, de bonne humeur, de plaisanterie leste qui pouvaient composer la formule de la comédie légère à la date d’aujourd’hui. Il est naturel qu’il ait confiance dans sa recette ; toutefois, en s’y fiant trop aveuglément, il risque de devenir victime de sa dangereuse facilité, et d’être dupe de sa propre ironie.