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un jeune homme du nom de Werther rencontre une jeune fille, Charlotte, déjà promise à un autre ; il l’aime, la retrouve mariée avec un certain Albert Schmidt, et, ne pouvant supporter la pensée qu’elle est heureuse avec un autre, il se tue. Mais sur cette trame un peu nue, que d’ornemens ! Que d’élémens d’intérêt !

D’abord des rondes enfantines, à ne pas les compter. Aimez-vous les enfans ? on en a mis partout. Il en sort de tous les coins du jardin, on en retrouve derrière tous les meubles. Il y en a de grands et de petits, des filles et des garçons. Ils mangent leurs tartines, ils courent, ils sautent, tombent et se relèvent ; ils jouent à toutes sortes de jeux, donnent et reçoivent des gages ; ils chantent, ils dansent ; on leur dresse un bel arbre de Noël, on leur joue la comédie, on leur conte des histoires, on leur apporte des poupées, des moutons et des dadas. On les embrasse. On les envoie se coucher. Direz-vous qu’on aurait dû commencer par là ? c’est que vous ignorez quel attrait a pour un certain public l’exhibition des enfans sur la scène. Il en a suffi de deux pour assurer le succès des Deux Gosses. Il y en a ici cinq de plus.

Ensuite un crime passionnel. Werther a pris pension chez une fermière, qui est jeune, belle et veuve. Elle a à son service un valet, Gurth, espèce de sauvage, qui aime la fermière avec cette violence brutale et cette délicatesse exquise qui sont les deux traits de. la passion chez les natures primitives. Éperdument amoureux, Gurth est férocement jaloux. Il a des rugissemens de fauve chaque fois que la belle fermière s’attarde à causer avec les hommes du voisinage. Celle-ci n’en a cure et suit la pente de sa coquetterie. Il est inévitable que Gurth finisse par massacrer l’objet de son amour. Après quoi, il rentre dans les bois d’où il n’aurait jamais dû sortir. Comment rester insensible à la beauté de ce fait-divers ? Et comment n’être pas remué par cet exemple d’une passion si évidemment sincère ?

Un sauvetage. Au moment où Albert Schmidt rendent de voyage pour rejoindre sa fiancée, un orage éclate. Nous voyons les éclairs ; nous entendons les coups du tonnerre. Les cours d’eau débordent avec violence et soudaineté : toute la plaine est inondée ; on annonce qu’un voyageur, qui s’est imprudemment aventuré parmi cette nature déchaînée, va être emporté par les eaux. Que Werther laisse faire aux élémens ! Charlotte est libre. Mais lui, n’écoutant que son courage, vole au secours de celui qu’il a cent fois maudit dans son cœur. Il sera l’héroïque sauveteur de son heureux rival. Cependant, un gentilhomme français, M. de Magalon, qui, parmi ces Allemands, personnifie l’insouciance, la légèreté et l’esprit caractéristiques