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Les partisans de la Haute Eglise ne manquent pas de faire ressortir, voire même d’exagérer la portée de cet amendement. Avec cette clause, disent-ils, l’Education Bill est le don fatal du cheval de Troie qui introduit l’ennemi dans la place, où le clergé se croyait retranché à tout jamais, comme dans une citadelle inexpugnable. En souscrivant au Bill, l’Eglise anglicane a vendu son droit d’aînesse pour un plat de lentilles. Le contrôle de l’instruction religieuse lui échappe dans ses propres écoles, le parson n’en est plus que le visiteur toléré. Le squire dépendait de lui ; c’est lui maintenant qui dépend du squire. On s’apercevra bientôt de tout le parti qu’on peut tirer contre l’Église de la clause Kenyon Slaney.

Quoi qu’il en soit de l’avenir, M. Balfour, en faisant voter cet amendement, délivrait le parti conservateur de ce mauvais renom de cléricalisme. Il prouvait, ce qu’il était essentiel de démontrer, que, si le clergé forme dans le parti tory un élément nombreux et influent, il n’est pas tout-puissant, et que l’on saurait, le cas échéant, tempérer ses excès de zèle.

Cependant l’interminable discussion de l’Education Bill tournait à l’obstruction. La majorité dut y mettre fin avec quelque brusquerie, et, au commencement de décembre, le Bill passait à la Chambre des communes à l’énorme majorité de 134 voix.

A la Chambre des lords, quelques modifications de détail au projet voté furent adoptées, mais ni lord Salisbury, le véritable auteur du Bill, ni lord Rosebery, au nom de l’opposition, ne vinrent le soutenir ou l’attaquer. Lord Spencer se bornait à présenter une pétition des non-conformistes, qui demandaient le rejet du Bill. L’archevêque de Cantorbery, mourant, prononçait son dernier discours, et recommandait au clergé d’accepter la loi nouvelle avec résignation, et l’espérance d’en tirer le meilleur parti possible. L’Education Bill est devenu l’Education Act de 1902.

Le fait accompli n’a pas mis fin à l’agitation des non-conformistes. Ils ont essayé d’organiser une levée de boucliers contre le privilège de l’arrogante Eglise d’Angleterre, et se proposent de lui faire payer cher cette victoire partielle. Les jeunes wesleyens militans la préviennent qu’on a tort de les considérer comme quantité négligeable : la même erreur régnait à l’égard des Boers. Mais les libéraux avertissent les non-conformistes de l’indifférence croissante du public à l’égard des querelles confessionnelles,