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mais ils ne peuvent les renvoyer, sans l’assentiment de ces autorités ; ce sont ces autorités qui fixent et paient leurs honoraires ; qui surveillent le règlement, les dépenses de l’école. Ceux-là ne sont-ils pas les maîtres, qui ont entre leurs mains les cordons de la bourse ? La loi enfin ne favorise pas une Confession plutôt qu’une autre. Les Dissenters n’ont qu’à multiplier leurs écoles pour jouir des mêmes privilèges que l’Église anglicane.

Une accusation cependant touchait au vif M. Balfour et le ministère, accusation qu’il repoussait comme une calomnie : celle de cléricalisme. John Bull tient à la religion, il la respecte. Il n’est pas voltairien. Mais s’il n’éprouve aucune sympathie pour cet anticléricalisme agressif qui existe en France et en Italie, il ressent et combat toute tentative du clergé d’étendre son pouvoir au delà du seuil de l’église. Or les adversaires de l’Education Bill faisaient valoir que ce Bill n’exprimait pas la pensée du ministère, pour la raison que ce ministère n’a pas de pensée commune, qu’il est un ministère de coalition, de cloisons étanches. Car comment admettre que M. Chamberlain partage l’état d’esprit de M. Balfour, lui qui disait en 1873 : « l’objet du parti libéral en Angleterre, à travers le continent d’Europe et en Amérique, est d’arracher l’éducation des enfans des mains des prêtres, à quelque confession qu’ils appartiennent. » M. Balfour lui-même n’est que l’instrument du clergé qui reste dans la coulisse ; il ne parle et n’agit que sous l’inspiration et l’impulsion de ses mentors ecclésiastiques[1].

C’est pour soustraire le parti conservateur à cette imputation dangereuse qu’un des membres de la majorité conservatrice de la Chambre des communes, le colonel Kenyon Slaney, proposait d’ajouter à la clause 8, qui traite de la direction des écoles libres, l’amendement suivant :


L’éducation religieuse, dans une école élémentaire non entretenue par l’autorité locale, sera dirigée conformément au contrat de sa fondation (trust deed) s’il en existe un, et sera sous le contrôle des directeurs.


Cet amendement retirait au clergé, en matière d’éducation religieuse, la haute main sur l’école. Il était aussitôt accepté

  1. Un pasteur non conformiste avait composé un chant populaire de circonstance :
    « Pendant que nos fils étaient au delà des mers, — pendant que le soldat combattait, — le prêtre et le traître cherchaient à anéantir — les écoles du peuple. »