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à Manchester, attaquaient par les mêmes argumens, les mêmes menaces de refus d’impôt, la loi Forster en 1870, dans laquelle ils voient aujourd’hui le palladium de leurs libertés. Alors, comme aujourd’hui, ils exigeaient la suppression des écoles libres. Le droit public anglais n’admettant pas la spoliation, il faudrait les racheter ; cela dépasserait 26 millions de livres sterling, et c’est un prix que le public ne veut pas payer. On objecte que ces écoles végètent, que les souscriptions diminuent : pourquoi leur donner une vie artificielle avec l’argent du public au lieu de les laisser mourir de leur belle mort ? — Mais elles ont beau végéter, elles ne meurent pas, car si les ressources sont insuffisantes, le sentiment religieux, toujours vivace, les soutient. Parmi les plus pauvres, celles fondées par les catholiques dans les villes, par exemple, il n’en est pas une seule qui ait été fermée depuis 1870. Demander la disparition totale d’un système cher à la moitié des gens de ce pays est donc absurde. Le Dr Clifford et ses partisans voudraient obtenir l’impossible. L’intérêt général de l’éducation est de soutenir les écoles libres et, les subsides du Trésor ne suffisant pas, on aura recours aux taxes locales.

A l’objection de lord Rosebery, que ces taxes sont injustes, les défenseurs du gouvernement ripostent que depuis trente-deux ans les Dissenters paient sans murmurer l’impôt dont les écoles libres prélèvent une part, sous forme de subventions réparties par le pouvoir central. La différence entre un impôt de l’État et une taxe locale est-elle si grande, que les Dissenters acceptent l’une et refusent l’autre, et se déclarent prêts au martyre plutôt que de la payer ? C’est là une distinction subtile digne d’un casuiste de Pascal.

Ces taxes, disent enfin les libéraux et les dissidens, payées par les contribuables, entretiennent des écoles dont le Bill leur refuse le contrôle. — C’est encore là, pour les conservateurs, un sophisme. Les patrons, les administrateurs des écoles libres, gardent la direction religieuse de leur école : quoi de plus légitime ? n’en sont-ils pas propriétaires, n’y ont-ils pas mis un capital ? n’en font-ils pas les dépenses d’entretien ? Le contrôle de l’administration locale sur l’enseignement laïque est absolu. On s’émeut de la majorité assurée aux patrons des écoles libres dans le conseil des managers, des directeurs de l’école libre. Ce mot managers est mal choisi. En réalité les managers seront sous la dépendance des autorités locales élues. Ils nomment les instituteurs ;