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d’un côté, les dissidens et les radicaux de l’autre, elle n’avait. assuré le triomphe d’aucun.

Les dissidens détestent l’Eglise établie. Ils trouvaient insupportable que l’Etat subventionnât des écoles religieuses appartenant à la Confession officielle. La « clause de conscience » n’était pas pour eux une garantie suffisante, car ce n’est pas seulement l’enseignement religieux, c’est toute l’école qui est imprégnée d’une atmosphère d’anglicanisme, et dans les campagnes ou il n’y a qu’une école, presque toujours anglicane, les parens n’ont pas le choix. Dissidens et libéraux se plaignaient du mauvais état des locaux scolaires dans ces écoles libres, et surtout de l’insuffisance de l’instruction. Ils faisaient valoir toutes les réformes que les écoles publiques, sous l’impulsion des bureaux scolaires, ont accomplies dans les grandes villes : l’enseignement technique, les écoles du soir, les écoles supérieures. Il fallait, disaient-ils, universaliser les School Boards, car c’est d’eux que dépend l’avenir de l’Angleterre.

Les conservateurs, de leur côté, n’ont cessé depuis trente ans de se plaindre amèrement des nouvelles écoles, qui tendaient à supplanter les écoles libres. D’abord, au point de vue fiscal, ils s’élevaient contre le privilège qui permet aux School Boards de lever des taxes locales et de disposer sans limites des deniers publics. Partout où il existait des School Boards, les patrons de l’école libre payaient deux fois : d’abord pour l’entretien de leur école, puis pour l’école du bureau scolaire. Ils reprochaient aux School Boards le luxe inutile des constructions, le gaspillage, l’entretien d’un personnel trop nombreux et trop rétribué. Dans ces trop vastes écoles des villes, l’instruction, souvent mécanique, est poussée trop loin, au delà des besoins appropriés, et favorise les ambitions intellectuelles des classes laborieuses, sans leur donner les moyens d’en tirer un parti fructueux. L’enseignement n’exerce aucune influence sur le caractère. La neutralité en matière religieuse aboutit à la tiédeur, à l’indifférence, à l’hostilité, tout au moins à l’individualisme. Il y a danger pour l’ordre social.

Ces réclamations des conservateurs sont devenues plus vives, plus bruyantes, plus impérieuses, depuis la double et écrasante défaite des libéraux, en 1895 et 1901. La guerre, le sentiment national exalté, l’impérialisme, donnaient aux conservateurs les coudées franches. Les patrons des écoles libres qui siégeaient sur les bancs ministériels, exigeaient satisfaction.