Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’ambassadeur de Hollande, ayant un jour plaisanté la familiarité de la duchesse et de Barillon, « Madame de Portsmouth prit tout cela avec beaucoup de hauteur et se plaignit au roi d’un manque de respect à son égard. » Van Beuninghen dut prodiguer les explications et les excuses.

A l’exemple de son époux, la reine elle-même protégeait la favorite. Une de ses filles d’honneur s’étant permis quelques sarcasmes à son adresse, ils furent rapportés à la duchesse qui pleura et se plaignit. La reine infligea une privation de traitement à la demoiselle à la langue trop affilée.

L’échec du complot du Rye-house formé par quelques puritains fanatiques pour assassiner le roi avait rendu à celui-ci toute sa popularité et indirectement fortifié encore la situation de la duchesse. Les principaux chefs du parti whig y furent compromis. Sydney et Russell furent décapités. La duchesse ne fit rien pour les sauver. On assure même qu’elle refusa 100 000 livres du vieux comte de Belfast qui lui demandait qu’elle s’employât en faveur de son fils lord Russell. Elle fit donner les terres confisquées sur milord Grey à son ami Rochester, moyennant un certain chiffre de rentes assurées au petit duc de Richmond. D’ailleurs, en général, elle ne pousse point aux mesures rigoureuses, et les années de sa domination ne sont marquées par aucune tentative contre les lois récentes votées par le Parlement.

Elle a pour elle l’appui dévoué du duc d’York, complètement réconcilié avec elle depuis le malentendu de 1680. Tous deux ont victorieusement défendu contre une accusation de concussion Rochester qui signe les quittances des paiemens de Louis XIV. Godolphin est dans la confidence du traité secret et Sunderland aussi, probablement. Quelquefois un reste de défiance surgit entre ces gens qui, pour la plupart, se sont si souvent trahis mutuellement. Quand la duchesse de Portsmouth annonce à Barillon que Charles II va faire entrer le duc d’York et Rochester dans son conseil secret, l’ambassadeur remarque chez elle une petite crainte que, l’affaire faite, on ait moins besoin d’elle. Louis XIV s’empresse de la rassurer en lui demandant son concours et en lui déclarant de quelle importance il est pour la réussite du projet : « Vous savez, lui écrit-il le 17 juin, à quel point je m’intéresse à la conservation d’une parfaite intelligence entre le roi mon frère et le duc d’York, l’ayant toujours considérée non seulement