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jamais été complète, rentre officiellement au pouvoir. Elle sort triomphante de la crise la plus redoutable qu’elle ait traversée. Elle a montré à la France de quel prix est son concours, et de quelle sûreté son jugement. Sa politique a évincé celle de Barillon. L’événement va achever de lui donner raison. Le régime de l’union intime qu’elle a toujours prêché et auquel elle va présider, régira les rapports des deux monarques jusqu’à la mort de Charles II. L’heure est venue où Louis XIV lui-même va proclamer le triomphe de son alliée à la face de l’Europe.


VIII

Au plus fort de la crise, son crédit n’a pas été ébranlé. En pleine agitation antipapiste, deux courtisans sont disgraciés pour avoir grisé un petit More au service de la duchesse et divulgué les confidences indiscrètes qu’ils lui ont soutirées. Quelques mois plus tard, le poète Dryden, jadis adulateur de la belle étrangère, publie avec lord Mulgrave un Essai sur la satire où elle est cruellement déchirée en compagnie de Scroggs et de Rochester ; le 18 décembre 1679, dans la soirée, il est assailli par trois individus qui le rouent de coups et s’enfuient. Il fut impossible de les retrouver malgré les récompenses promises au dénonciateur. Les journaux ne s’y trompèrent pas et dans cet attentat reconnurent « une vengeance féminine ou papiste. » Dryden, averti, fut plus prudent et dans son Absalon et Achitophel se contenta d’un mot inoffensif sur les amours de David vieillissant et de Bathséba. En 1680, Charles II, malgré ses besoins d’argent, trouve moyen d’accroître les revenus de la favorite. L’année suivante, son fils est nommé grand écuyer. Peu après, c’est son influence qui arrête les procédures contre le comte de Kœnigsmark, accusé d’avoir fait assassiner M. Thynn. C’est dans ses « glorieux appartemens de Whitehall » qu’est donnée, le 11 janvier 1682, une fête splendide en l’honneur des ambassadeurs Mores ; malgré son rigorisme, Evelyn lui-même est ébloui de la somptuosité des festins, de l’éclat dont s’environnent toutes les favorites devant les nobles étrangers qui appellent la bénédiction divine sur la duchesse de Portsmouth et sur le prince, son fils.

Mais c’est le voyage de France, c’est la réception solennelle que Louis XIV fait à la duchesse qui consacrent sa prééminence