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Mais la volonté du roi de France de subordonner sa paix particulière à la paix générale, à la restitution à son alliée, la Suède, de toutes les places qui lui ont été enlevées, donne moyen à ses ennemis de redoubler leurs intrigues pour faire échouer la négociation, désappointe profondément Charles II qui conclut un traité avec la Hollande. La guerre va recommencer sur cette question de point d’honneur. Le parti antifrançais s’en réjouit, quand, par un coup de théâtre inattendu, la paix redevient possible par l’intervention de la Suède qui demande elle-même à Louis XIV de ne pas insister. D’où vient ce revirement ? C’est Temple, le négociateur anglais à Nimègue, qui nous l’apprend. Un certain Ducros, moine défroqué, agent de la France en Suède, débarque tout à coup à Nimègue et divulgue partout qu’il est chargé par le roi d’Angleterre d’inviter la France au nom des Suédois à conclure la paix. Et elle le fut effectivement. A son retour en Angleterre, Temple essaya de démêler qui avait autorisé la mission de ce Ducros : « Tout ce que je pus apprendre en cour sur cette affaire fut que ces ordres avaient été expédiés un matin dans une heure de temps, dans l’appartement de la duchesse de Portsmouth, par l’intervention de M. Barillon. » Louise de Kéroualle avait tenu sa parole au roi de France, de n’épargner rien « à faire ni à dire pour son service. »

La paix faite avec la Hollande, l’intervention possible de l’Angleterre écartée, l’Espagne, l’Empire et le Brandebourg sont obligés de céder successivement. C’était le triomphe de Louis XIV. Il était dû à ses armées et à ses diplomates. Au premier rang de ceux-ci, plaçons, avec M. Forneron, « la petite Bretonne qui nous a fait gagner nos Flandres et notre Franche-Comté. »


VII

C’est au moment où la duchesse de Portsmouth peut se croire assurée contre tout retour de fortune ; où Barillon note l’impuissance des cabales formées contre elle par Madame de Mazarin, Madame Hyde, la duchesse d’York ; où il constate qu’elle « paraît en plus grande considération » qu’elle n’était quelques mois auparavant ; où le roi n’a pas de secrets pour elle ; où le premier ministre se sert d’elle pour amener les mesures qu’il n’ose proposer lui-même ; où les courtisans, et au premier plan Sunderland qui va devenir son allié inséparable, l’entourent de leurs