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La guerre était ainsi déchaînée dans l’Eglise évangélique d’Autriche. Le journal de M. Wolf s’irrita : lorsqu’on se convertit par intérêt, disait-il en substance, l’Eglise est accueillante ; se fermerait-elle, d’aventure, parce qu’on se convertit par patriotisme ? M. le pasteur Antonius, de Vienne, rassura M. Wolf en le recevant solennellement comme fidèle ; les députés Kittel et Iro furent l’objet d’une courtoisie semblable. Le presbytère viennois se divisa contre lui-même : M. le pasteur Zimmermann, voisin d’étage de M. Johanny, fit infliger à son confrère et au Conseil suprême un blâme rigoureux par l’« Association des coreligionnaires évangéliques. » Puis une déclaration collective circula dans l’Empire, souscrite dès le 1er mai par 75 pasteurs et qui bientôt eut près de 100 signatures : cette déclaration était un hommage au mouvement Los von Rom. Enfin la Gazette évangélique de Bielitz partit en campagne et réclama qu’on créât un Comité pour protéger la propagande évangélique, puisque le Conseil suprême manquait à ce devoir.

M. Johanny pouvait parler, M. Witz écrire, le Conseil suprême délibérer : les agitateurs passaient outre. A quoi bon s’inquiéter, demandaient-ils, de la pureté « chimique » d’un mouvement religieux, et les premiers réformateurs firent-ils ainsi les dégoûtés ? Des circonstances politiques n’aidèrent-elles point à leurs succès ? Ce sont là des aspects de l’histoire du XVIe siècle, qui d’ordinaire ne sont mis en relief que par les apologistes catholiques ; et voilà que les propagandistes du Los von Rom les étalaient et les éclairaient. On reprochait au courant qu’ils déchaînaient les innombrables scories qu’il contenait ; ils se justifiaient en ramassant les scories du luthéranisme primitif, et en les montrant. Pareillement, pour s’armer de complaisance à l’endroit des aventures intimes qui procureront plus tard à M. Wolf la plus turbulente des célébrités, ils eussent pu exposer aux regards les fâcheuses condescendances de Luther à l’endroit d’un landgrave bigame. Mais c’est un singulier moyen de propager une Eglise que d’en ternir soi-même l’honneur ; et l’on comprend que MM. Witz et Johanny n’aient été ni convaincus ni consolés. Quant à leur prétention de demander aux nouveaux venus quelques bribes de profession de foi, elle se heurtait à l’esprit général du protestantisme allemand contemporain : un symbole, c’est bon pour des « Romains ; » et la théologie ritschlienne a depuis longtemps supprimé cette formalité.