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monde. On décidait à Halle, un mois après, que le « comité pour l’Église évangélique » participerait à la réunion du parti radical-allemand, convoquée à Vienne pour le 15 janvier 1899. Entre les ecclésiastiques exotiques et cette active poignée de parlementaires, l’alliance ne se cachait plus, M. Eisenkolb y mit un sceau en passant lui-même, tout premier, dans l’Église évangélique.

Les 800 radicaux d’Autriche qui, le 15 janvier, répondirent à l’appel, entendirent quatre discours. Le premier, prononcé par M. Schœnerer, les mit tous d’accord : ils jurèrent, en principe, de déménager de l’Église romaine ; d’attendre, pour donner congé, que de 800 ils fussent devenus 10 000, et de travailler pour qu’au 1er  avril suivant ce chiffre fût atteint. On honorerait ainsi Bismarck, né le 1er  avril. M, le député Stein, qui rappelle au Reichsrath, par la crudité de son langage et la verdeur de ses colères, les moins policés des héros homériques, remplaça M. Schœnerer à la tribune ; il soutint formellement, au nom de l’intérêt national allemand, que la retraite des 10 000 devrait s’orienter vers la Réforme. Un troisième orateur jugea bon de faire connaître le vieux-catholicisme, mais n’insista point. Enfin parla M. Eisenkolb : il révéla qu’en Bohême des motifs religieux et moraux inclinaient les âmes vers la Réforme, et l’on attendait un détail sur ces motifs religieux, lorsqu’une cinquième voix s’éleva, celle du commissaire de police, pour dissoudre la réunion entachée d’illégalité. On se sépara en chantant : « Allemagne, Allemagne par-dessus tout ; » en quoi l’on eut raison, car dans ce meeting l’idée de l’Allemagne avait supplanté celle du Christ. Seul M. Eisenkolb avait compris qu’une agitation religieuse, si factice soit-elle, doit, sous peine d’échec, se réclamer d’une certaine religiosité, et laisser entrevoir quelque cime de morale, voire même un coin de ciel, par delà l’opaque bagarre des intérêts politiques et terrestres ; et l’Église évangélique se pouvait réjouir que, parmi l’exode des consciences pan germanistes, il s’en trouvât au moins une qui voulût bien garder l’apparence de songer à Jésus.


IV

C’est la Bohême surtout qui semblait visée par cette étrange collaboration entre des ecclésiastiques qu’absorbait une idée politique et des hommes politiques dont l’un déjà s’essayait à prêcher :